Un grand tournoi menacé par l'insécurité Chaque lundi, la rédaction d'Eurosport.fr se penche sur une question épineuse de l'actualité sportive. Après les attentats de Paris et ceux de Bruxelles, la tenue de l'Euro 2016 en France peut-elle être remise en cause pour des questions de sécurité? C'est une formule souvent utilisée, à juste titre, quand la mort frappe de façon aussi massive et violente qu'à Paris le 13 novembre ou Bruxelles la semaine passée: le sport est dérisoire face à de tels drames. C'est on ne peut plus vrai. Mais l'Euro 2016, dans ce contexte précis, apparaît tout sauf anodin. Il constitue même un défi hors normes pour un pays en proie à une menace aussi constante. Sept à huit millions de personnes sont attendues sur le territoire français pendant un mois, dont 2,5 millions dans les stades. Pour les terroristes, potentiellement, l'Euro est une cible idéale. Parce qu'il réunit deux éléments alléchants à leurs yeux fanatiques: une énorme portée internationale et des rassemblements publics massifs. Le double attentat de Bruxelles, à moins de trois mois du début de la compétition, a posé sur la table la question qui fâche avec plus de force encore qu'au soir du 13 novembre, du fait de la proximité de l'échéance: l'Euro en France peut-il être remis en cause? Cette interrogation est revenue fréquemment ces derniers jours. Avec, toujours, une même réponse: hors de question. L'Euro 2016 aura bien lieu, il aura bien lieu en France, aux dates et lieux prévus. Les dirigeants du football français comme le sommet de l'Etat refusent d'envisager ne serait-ce qu'une demi-seconde une hypothèse aussi radicale. L'Euro 2016 sous la menace? Inenvisageable sur le fond, complexe sur la forme. A ce jour, il apparaît plus qu'improbable que la France renonce à l'organisation du Championnat d'Europe. Politiquement, stratégiquement, ce serait une catastrophe en termes d'image au plan international. Une façon d'admettre que le terrorisme l'a mise à genoux pour de bon. Par ailleurs, sur un plan purement pragmatique, il est sans doute trop tard aujourd'hui pour que l'UEFA puisse se retourner et refiler la patate chaude à un pays remplaçant. Le vin est tiré, il faut le boire. Reculer maintenant n'est pas envisagé sur le fond mais également très complexe sur la forme. On n'organise pas un événement de cette ampleur en quelques semaines. Quel Etat souhaiterait d'ailleurs prendre le risque de relayer la France si celle-ci passait la main? Si la France renonce à l'Euro, il n'y aura pas du tout d'Euro. Mais personne n'est sérieusement dans cette optique, même une semaine après Bruxelles et quatre mois après les attentats de Paris. Si on annule l'Euro, autant annuler, aussi, le festival de Cannes, le Tour de France, et n'importe quel événement public d'envergure internationale. Du secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard, au ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, en passant par le Premier ministre, Manuel Valls, encore présent pas plus tard que dimanche dernier dans Stade 2, le gouvernement n'a donc eu de cesse au cours de la semaine écoulée d'affirmer à la fois la volonté de la France de maintenir l'Euro et sa capacité à assurer la sécurité des acteurs et du public. Sécuriser les zones «intermédiaires». Sur ce point, il faut distinguer les lieux par nature très sécurisés et... les autres. Les aéroports et les gares, par exemple, où transiteront des millions de gens sur le territoire, seront particulièrement scrutés. Idem pour les stades. La seule «bonne nouvelle» du 13 novembre tient d'ailleurs dans la gestion de la situation au Stade de France. Les terroristes voulaient se faire exploser dans les tribunes, mais ils n'ont pu pénétrer dans l'enceinte. Les stades seront très protégés. Valls: «Faire en sorte que la sécurité soit assurée dans les fans zones» La question des «fans zones» est plus sensible. Plusieurs dizaines de milliers de spectateurs s'y réunissent dans des espaces publics. Jusqu'à 100.000 personnes sont attendues pour certains matchs. Certaines fermetures ont été évoquées mais, là encore, le gouvernement semble privilégier un renforcement des contrôles à une solution plus extrême. Reste les zones «intermédiaires». Celles qui précéderont les endroits les plus sécurisés. Les abords des stades, par exemple. Quand 80.000 spectateurs se dirigeront vers le Stade de France, c'est avant d'entrer dans l'enceinte elle-même que le danger sera le plus important. Les autorités le savent. Elles se préparent à toute éventualité. Il y a deux semaines, une simulation d'attaque terroriste de nature biologique et chimique a même été effectuée dans le Sud de la France. Subtil équilibre. Les moyens financiers et humains engagés vont faire de l'Euro 2016 l'événement sportif le plus sécurisé de l'histoire. Suffisant pour dissuader les terroristes de tenter un passage à l'acte? «La France est un grand pays moderne qui est capable d'assurer la sécurité de ses citoyens, de faire face à la menace terroriste», a clamé Manuel Valls dimanche dernier. Le message est clair. Menace ou pas, la France tient à l'organisation de son Euro. Toute la difficulté réside aujourd'hui dans l'équilibre entre la minimisation des risques et le refus de baisser la tête. Sans aller jusqu'à l'annulation ou le report de la compétition, fermer les fans zones ou jouer certains matchs à huis clos serait, d'une certaine manière, admettre que la fête sera, au moins partiellement, gâchée. Que l'Euro se tiendra, mais sous l'ombre permanente de la menace et de la peur. Ne rien sacrifier à la sécurité sans nuire aux festivités, car un événement comme l'Euro reste d'abord une fête pour ceux qui viendront dans l'Hexagone, voici donc le subtil et périlleux défi de la France cet été. Reste quand même une autre question: si, par malheur, un nouvel attentat massif frappe le territoire national avant le match d'ouverture le 10 juin prochain, à quoi ressemblera cet Euro?