Le printemps - c'est vrai pour ceux qui ont plus de cinquante ans à une époque où les saisons avaient encore un sens - est la saison colorée par excellence de l'année. Le printemps c'est l'éveil de la nature qui sort de son hibernation, se parant d'une profusion de couleurs qui lui donnent sa singularité. Mais ce n'est certes pas de cette époque des innocences, à l'évidence révolue, que nous allons vous entretenir. De fait, couleurs et printemps sont instrumentalisés pour des objectifs autres que ceux de la joie de vivre. C'est ainsi que des putschs «colorés» et «printaniers» ont enrichi le langage de la subversion. Des coups d'Etat très «terre à terre» ont été ainsi affublés des couleurs dans ce que l'on appelle des «Révolutions colorées», menés de mains de maître par des spécialistes de l'agit-prop. Or, derrière les «Révolutions colorées» orange, bleu, jaune, rose et même «verte» qui ont marqué l'après-chute du bloc soviétique se trouvent les Etats-Unis, ou plus exactement une série d'institutions officielles états-uniennes dont la mission a été de remodeler la configuration géopolitique mondiale par l'élimination des régimes hostiles ou n'entrant pas dans la nouvelle politique étrangère états-unienne de l'après-Guerre froide. Dès 1989, la Roumanie, l'Ukraine, la Géorgie, la Bulgarie et d'autres pays de l'Europe de l'Est ex-communiste ont été le théâtre de ces révolutions «colorées». Une tentative de révolution verte a même été organisée en 2009 en Iran qui a piteusement échoué. De nombreuses organisations et institutions états-uniennes étaient derrière la nouvelle donne laquelle consiste à faire tomber de «l'intérieur» [par des manifestations dites populaires] les régimes visés. Au sommet de ces organisations il y a la NED [National Endowment for Democracy] qui, avec l'Usip [United States Institute for Peace] et l'Usaid (United States Agency for International Development), supervisent les opérations. L'Usaid est connue en Amérique latine et en Afrique qui sont ses terrains d'action. Il faut noter également la présence du NDI (National Démocratic Institute for International Affairs, Parti démocrate, très actif en Afrique et dans les pays arabes), l'IRI (International Republican Institute, Parti républicain) et certes, la CIA (centrale du renseignement américain, maître d'oeuvre des coups tordus). La NED et l'Usaid relèvent du département d'Etat et l'Usip de celui de la Défense. Mais les deux structures (NED et Usip) sont organiquement liées alors que l'Usaid sert de paravent à la CIA. Jusque vers la moitié des années 1980, les Etats-Unis ont installé, singulièrement en Amérique latine, des dictateurs à leur dévotion (le plus spectaculaire et sanglant putsch a été celui fomenté par Pinochet, avec l'aide de la CIA, contre le président socialiste, Salvador Allende en 1973). Si cette méthode (usitée également en Afrique) violente a servi les intérêts des Etats-Unis durant plusieurs décennies, elle n'était plus en phase avec l'évolution que connaissait le monde, en relation avec la fin de la Guerre froide et l'effondrement de l'Urss. Aussi, Washington voulant s'assurer de gouvernements à sa botte, s'ingénia à faire changer des régimes tièdes, sinon anti-américains, par des régimes plus souples et pro-américains. Le président républicain, Ronald Reagan a été celui qui structura «l'ingérence» états-unienne dans les affaires d'autres pays avec la création des organisations sus-citées [la CIA existe depuis 1947]. Après les juntes militaires, c'est l'agitation «populaire» qui mettait «à bas» les régimes qui faisaient obstacle à l'hégémonie états-unienne et nuisaient à ses intérêts. L'enjeu essentiel des «Révolutions colorées» n'était pas de renverser des régimes, définitivement hostiles, mais de les faire remplacer par des gouvernants plus dociles, au service du «maître». Les Etats-Unis n'ont pas regardé à la dépense pour parvenir à leurs fins et s'attirer les sympathies des nouveaux convertis. Ainsi, l'agitation populaire colorée des rues était prise en charge et financée par les Etats-Unis. Pour les Etats-Unis, il ne s'agissait pas de changer, outre mesure, les institutions, mais de remplacer les dirigeants en place par une élite qui conduira une politique économique favorable aux intérêts états-uniens. Ce qui explique la mainmise des multinationales et l'installation de bases militaires états-uniennes dans les ex-RSS de l'Asie musulmane. De la couleur au... printemps, il n'y avait qu'un pas à franchir. Il fut franchi allègrement dans les pays arabes, avec les résultats que l'on connaît en Libye et en Syrie notamment. Cela pour dire que les coups d'Etat sanglants des années 1950-1980, aux révolutions colorées et printanières des années 1990-2000 en passant par Al Qaîda et Daesh (initiés et/ou créés, armés, financés pour installer le chaos dans le monde non occidental) ont pour dénominateur commun les Etats-Unis. En vérité on n'en a pas fini avec un pays qui, sous l'apparence B.C.B.G de la démocratie et des libertés, se révèle être une pieuvre aux multiples facettes.