Le président du Conseil européen Donald Tusk, le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans et Mme Merkel étaient arrivés hier à Gaziantep, près de la frontière syrienne, où ils devaient visiter un camp de réfugiés. Plusieurs dirigeants européens, dont la chancelière allemande Angela Merkel, effectuaient hier dans le sud de la Turquie une visite délicate avec l'espoir de huiler les rouages d'un accord sur les migrants qu'Ankara menace de ne plus respecter. Le président du Conseil européen Donald Tusk, le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans et Mme Merkel étaient arrivés hier après-midi à Gaziantep, près de la frontière syrienne, où ils devaient visiter un camp de réfugiés. Ouvert en 2013, le camp de Nizip 2 accueille dans des préfabriqués près de 5000 réfugiés syriens, dont 1900 enfants, selon les chiffres du gouvernement turc. Cette visite «sert à montrer comment la Turquie et l'UE mettent en commun leurs forces pour affronter la crise des réfugiés syriens», a dit la Commission européenne, indiquant qu'elle avait à ce jour dépensé 77 millions d'euros dans divers projets en Turquie, auxquels s'ajouteront bientôt 110 millions d'euros. Le déplacement intervient trois semaines après le renvoi en Turquie des premiers migrants de Grèce dans le cadre d'un accord controversé conclu le 18 mars entre Bruxelles et Ankara visant à dissuader les passages clandestins en Europe, confrontée à sa pire crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale. La Turquie s'est engagée à accepter le retour sur son sol de tous les migrants entrés illégalement en Grèce depuis le 20 mars. Le plan prévoit en outre que pour chaque réfugié syrien renvoyé en Turquie, un autre sera «réinstallé» dans un pays européen, dans la limite de 72.000 places. En contrepartie, les Européens ont accepté de fournir jusqu'à six milliards d'euros, de relancer les discussions sur l'intégration de la Turquie à l'UE et d'accélérer le processus de libéralisation des visas pour les Turcs. Pour les dirigeants turcs, qui ont promis aux 79 millions de Turcs une exemption de visa d'ici fin juin, l'enjeu est de taille. Ils ont fait monter les enchères cette semaine, menaçant de ne plus respecter l'accord si les Européens ne tenaient pas leur engagement. L'exécutif européen a indiqué qu'il présenterait un rapport sur le sujet le 4 mai, mais il est attendu au tournant par ceux qui redoutent que Bruxelles brade ses valeurs pour garder la Turquie à bord. Le Premier ministre populiste hongrois Viktor Orban a d'ailleurs estimé que l'UE «s'est livrée à la Turquie» avec des conséquences «impossibles à prévoir», dans un entretien à l'hebdomadaire allemand Wirtschaftswoche. Entre les pressions d'Ankara, celles d'opposants à l'accord et celles d'ONG de défense des droits de l'homme, la visite des dirigeants européens «va être un exercice d'équilibriste délicat», résume Marc Pierini, ancien ambassadeur de l'UE à Ankara. «Nos libertés, y compris la liberté d'expression, ne feront l'objet d'aucun marchandage politique avec quelque partenaire que ce soit», a tenté de rassurer vendredi M.Tusk dans une tribune parue dans plusieurs journaux européens. «Ce message doit être aussi entendu par le président Erdogan». Can Dündar, rédacteur en chef d'un quotidien d'opposition jugé pour «espionnage», a écrit une lettre ouverte à Mme Merkel pour déplorer que l'Allemagne se trouve «du mauvais côté» de la «bataille entre démocrates et autocrates en Turquie».