Seule une révolution endogène basée sur l'éducation et le savoir permettra de rattraper le train de la science «Si j'étais un dirigeant arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal: nous avons pris leur pays. Il y a eu l'antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute? Ils ne voient qu'une seule chose: nous sommes venus et nous avons volé leurs terres.» David Ben Gourion, le premier chef du gouvernement d'Israël, le 18 juillet 1948. L'actualité nous matraque avec son lot de mauvaises nouvelles et n'était-ce l'hirondelle printanière des jeux de Rio où nous vîmes la jeunesse, espérance de l'humanité, s'éclater et nous indiquer la vraie vie, ce fut à bien des égards l'hiver de la misère matérielle, de la mort, du sang et des larmes qui s'installe dans l'hémisphère Sud principalement, il faut bien le dire, dans une région du Proche et du Moyen-Orient coupable à la fois d'être musulmane et d'être arabe. Le Moyen-Orient qui souffrait déjà depuis près d'un siècle des conséquences néfastes des accords de Sykes-Picot. La Grande-Bretagne et la France ont négocié les restes de l'Empire ottoman sans rien en dire aux Arabes qui se battaient à leurs côtés. Les accords qui en ont résulté symbolisent toujours sur place la traîtrise occidentale. La suite on la connaît. Un siècle d'errance et un nouveau partage après l'implosion de l'empire soviétique grâce à l'Eglise conquérante de Jean-Paul II,un dirigeant utopique avec sa perestroïka- qui jouait le rôle de l'idiot utile, récompensé par le hochet du prix Nobel de la paix- et un Ronald Reagan adversaire de «l'empire du mal». L'islam est devenu le satan de rechange. En Occident un consensus est martelé en boucle que la prophétie auto-réalisatrice de Samuel Huntington sur le choc des civilisations et le formatage des Bernard Lewis et tant d'autres éminences des néo-conservateurs ont permis à George Bush d'avoir sa croisade et de tenter le rechapage du Moyen-Orient Résultat des courses: c'est le chaos dans les pays arabes. Cela a commencé souvenons-nous, avec le laboratoire expérimental que fut l'Algérie de la décennie 1990-2000. Après la perte de 200.000 âmes, l'Algérie en est sortie exsangue malgré les interférences de nos adversaires intimes. Le terrorisme, nous savons ce que c'est. Les convulsions actuelles des pays arabes sont dues à plusieurs facteurs dont les principaux qui sont l'instrumentalisation de la religion à la fois par les pouvoirs en place, mais aussi par les interférences externes dans le combat de titans qui oppose actuellement deux visions du monde: un monde ancien, celui de l'hyperpuissance de l'Empire avec ses vassaux et le nouveau monde multipolaire empêché d'apparaître ce qui explique que les tensions actuelles se font sentir principalement à la limite des plaques tectoniques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cette hégémonie de ces puissances est due à la boulimie énergétique des uns et des autres. En un mot, l'ébriété énergétique a de beaux jours devant elle malgré les kermesses des COP dont la COP21. Quelles sont les victimes de la lutte de ces puissances? Principalement des Arabes! Ce cri du coeur du physicien Ahmed Bensaâda résume plus que 1000 discours l'état des Arabes: «Depuis un quart de siècle, le monde arabe vit au rythme des coalitions. (..)De coalition en coalition, ce monde n'a connu que les massacres, les viols, les exodes et les ruines. De coalition en coalition, le sang de centaines de milliers d'Arabes a coulé, abreuvant non seulement la haine des Arabes entre eux, mais aussi entre les Arabes et les Occidentaux. Pourtant, de coalition en coalition, ces mêmes Occidentaux nous avaient promis de semer, grâce à leurs armes sophistiquées et leurs bombes intelligentes, aussi bien la Démocratie, la Paix et la Prospérité que les Droits de l'homme et la Liberté d'expression. (...) Bien au contraire, de coalition en coalition, de 2002 à 2014, le nombre de morts causés par des attentats terroristes a augmenté de... 4500%! De coalition en coalition, on a réussi à offrir au monde arabe une saison nouvelle. Bien au contraire, jamais saison n'a été aussi funeste: 1,4 million de victimes (morts et blessés), 833 milliards de dollars de pertes et un nombre astronomique de séquelles à tout jamais gravées dans les corps, dans les esprits et dans les idéaux. De coalition en coalition, on a vu des coalisés s'appliquer à financer le terrorisme, promouvoir le djihadisme et armer la dissidence. (...) De coalition en coalition, des chemins de transhumance humaine ont été ouverts à travers terre, jusqu'à des frontières hérissées de barbelés et à travers mers, jusqu'à une plage où un petit enfant au chandail rouge s'est couché, fixant le sable mouillé, pour ne plus voir la cruauté des humains. Au temps béni des coalitions, le monde arabe n'en finit plus de saigner, n'en finit plus de pleurer, n'en finit plus de péricliter...» (1) Les Arabes, ces mal-aimés. Qui étaient-ils? On dit que les Arabes sont un ancien peuple sémitique dont le barycentre fut l'actuelle Arabie saoudite. Beaucoup d'entre nous dans leur jeunesse ont vibré aux rapsodies et autres «mou'allaquate» où les joutes oratoires se faisaient à Oukadh. On rapporte que Samaouel, auteur juif antéislamique, auteur de la célèbre «lamiatou Samaouel» n'a pas voulu dévoiler un secret que lui avait confié Antar Ibn Cheddad mettant en péril de ce fait, la vie de son fils.. Depuis l'expression «aoufa min Samaouel» «Plus fidèle - au serment- que Samaouel- a traversé les siècles.Par la symbiose permise par le Coran, les Arabes réussirent à fédérer à l'ombre de l'islam tous les savants qu'ils soient maghrébins, perses, kurdes, arabes chrétiens, juifs. Quand on se rend compte de toute l'étendue des domaines que ces scientifiques par leurs pensées et leurs écrits ont développés, on voit que sans les Arabes, la science et la philosophie européennes ne se seraient pas développées à l'époque comme elles l'ont fait. Les savants musulmans ne se contentèrent pas de transmettre simplement la pensée grecque. Ils en furent les authentiques continuateurs. La conquête arabe apportait les éléments d'un nouvel enthousiasme pour le savoir, une langue qui se forge et qui s'impose comme un instrument de communication internationale; un gouvernement fortement centralisé; une religion qui exalte la connaissance. Le Coran énonce que l'encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs. Le monde occidental manifesta une réserve, voire une hostilité envers ces savoirs étrangers. Avant, à son tour, de se les approprier et de les enrichir. S'agissant de la langue, l'illustre savant Jacques Berque explique dans Les Arabes et nous que «la fonction de la langue pour les Arabes est différente, supérieure à celle qu'elle remplit pour les Occidentaux. Il donne un exemple: ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l'écrit dérivent tous de la racine k.t.b.: Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont: écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés par une transparente logique à une racine qui seule est arbitraire». «Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.» (2) (3) Amour du féminin et connaissance au féminin: Islam et dialogue euroméditerranéen De plus,nous dit Ines Safi directrice de recherche au Cnrs, les Arabes ont été les précurseurs d'un art de vivre. Elle écrit: «Considérer la misogynie comme institutionnelle dans un Islam réduit à un socle figé est un frein au dialogue euro-méditerranéen et relève d'une vision réductrice et déterministe, renforçant en retour celle de certaines mouvances fondamentalistes. Pour Alain Finkielkraut.: «La misogynie institutionnelle est à l'origine du grand marasme où est plongé aujourd'hui le monde islamique. L'oppression de la femme ne dégrade pas seulement les femmes, mais organise dans l'ensemble de la société l'inégalité, la haine de l'altérité, la violence ordonnée par le pouvoir mâle...» (...) Je ne voudrais pas tomber dans l'essentialisation que je critique, justement, mais, pour simplifier, je dirais que nous sommes ainsi confinés entre deux miroirs mis en abyme: d'un côté les mouvances salafistes, de l'autre les mouvances semblables à celle de notre philosophe. Ces deux visions sont également réductrices et irréductibles. (...) Je vais me contenter d'évoquer ici l'amour courtois, qui célèbre en chants et poésies la femme, mise sur un piédestal par son dévoué. Cet amour courtois a été bien nourri et sublimé en terre d'Islam, fécondé par toutes les cultures que celui-ci a lui-même fécondées. Nous savons que les poètes arabes antéislamiques y excellaient, et que leur tradition s'est perpétuée et diversifiée après l'avènement de l'islam. (...) La légende de Layla et Majnoun, remontant à l'ère antéislamique, a été animée et habitée par la spiritualité de l'Islam par un grand nombre d'érudits et poètes ésotériques, dans leurs contes et poèmes. Cette légende, dont la portée est universelle, a inspiré Roméo et Juliette, ou Le fou d'Elsa d'Aragon. (...) Quant à l'émergence de l'amour courtois en Europe, je citerai Eric Brogniet: «L'amour courtois est sans discussion possible l'exact équivalent, de ce que les Arabes d'Espagne appelaient hubb al-muruwa, codifié dans le traité d'Ibn Hazm (théologien du XIe siècle). Cette attitude est valorisée dans les poèmes de Guilhem de Poitiers. Dans les poèmes des troubadours, l'amant, lorsqu'il s'adresse à sa domna, ne l'appelle pas au féminin, mais parle d'elle au masculin: il l'appelle monseigneur, ou mon maître, soit, en provençal midons et non pas madonna. Ceci se trouvait déjà pratiqué par les Arabes d'Espagne, qui dans leurs zadjals et leurs muwashahas utilisaient en effet le masculin sayyidi (monsieur) ou mawlaya (maître) et non pas le féminin sayyidati ou mawlati... pour s'adresser à l'objet de leur amour.» (4) (5) Georges Corm: un constat d'actualité sans complaisance Sur la situation actuelle des Arabes Georges Corm, écrivain, ancien ministre libanais de l'Economie écrit: «Nous sommes en face de deux thèses et on trouve des penseurs arabes dans les deux camps. Il y a d'abord la thèse anthropologique essentialiste qui est une thèse d'autoflagellation soutenant que nous avons en nous-mêmes des défauts depuis l'Antiquité, notamment le tribalisme, ou que nous avons une vision étriquée de la religion qui n'est pas ouverte et tolérante; et donc le problème est chez nous et pas dans les agressions extérieures. Qu'est-ce qui a fait que les Arabes, les Berbères en Andalousie, notamment, sont sortis de l'histoire? Malheureusement, nous essayons de dépasser nos problèmes en parlant d'arabo-islamisme. Il est vrai que les Arabes sont à 95% musulmans. (..) Le nationalisme arabe à l'origine à cet enfermement est une thèse défendue par les orientalistes. Ceux-ci ont voulu faire du nationalisme une affaire des chrétiens du Machraq (..) On a remplacé Ibn Khaldoun par Max Weber. On a remplacé les grands philosophes Ibn Rochd et Ibn Sina par Hegel. (...) L'indépendance de l'esprit arabe a été kidnappée par la culture orientaliste européenne. (...) Quand Obama est venu au Caire, il a parlé de la protection des minorités comme s'il parlait des pandas! «les défis d'aujourd'hui». Ce sont la science et la technique, et pas la métaphysique. Nous étions ouverts sur toutes les cultures. C'était l'âge d'or. Nous étions producteurs des sciences(...)» (6) Il est indéniable que les puissances occidentales n'ont jamais cessé de diviser les Arabes en jouant sur les religions. Hayat al Huwik Atia, journaliste libanaise de confession maronite, interpellant le pape lors de son voyage en Israël déclare: «L'église d'Orient refuse d'être entraînée dans le processus de judaïsation de l'Occident chrétien. (...)Votre Sainteté le pape, sachez que je suis une chrétienne arabe! (...) Par conséquent, cela ne m'empêche pas de vous rappeler ma fierté d'appartenir à cette terre arabe. Cette terre est le berceau de toutes les Religions et de toutes les Révélations monothéistes. (...) La deuxième raison est que c'est l'Occident qui agit depuis des décades contre le Monde arabe pour saper cette cohésion sociale et religieuse dans le Monde arabe. (..) En conséquence, sachez que nous - Arabes chrétiens - ne sommes une minorité en aucune façon, tout simplement parce que nous étions des Arabes chrétiens avant l'Islam, et que nous sommes toujours des Arabes chrétiens après l'Islam. La seule protection que nous cherchons est comment nous protéger du plan occidental qui vise à nous déraciner de nos terres et à nous envoyer mendier notre pain et notre dignité sur les trottoirs de l'Occident.» (7) Accepter les valeurs de l'Occident ou végéter: Albert Memmi dixit Albert Memmi écrivain connu pour son «Portrait du colonisé» pense qu'il faut une séparation nette de la religion et de l'Etat: «(...) En ce qui concerne le monde arabe, il en va différemment. Il existe à l'origine une forte culture; mais elle est fossilisée. Chaque fois que vous parlez avec un intellectuel arabe, il vous cite Averroès, qui est du XIIe siècle! Alors qu'il faudrait aborder courageusement la modernité; alors qu'il y a, au contraire, des ruptures à réaliser les intellectuels arabes n'ont pas su, ou pas voulu, prendre radicalement leurs distances avec le système. (...) En Europe, Il a fallu une séparation nette de la religion et de l'Etat. Le lien entre la religion et la société est ancré dans les mentalités et l'inconscient arabes. Sans esprit critique, vous ne pouvez pas avoir devant la nature la liberté de pensée indispensable pour pouvoir la maîtriser. Vous connaissez la fameuse phrase de Pasteur, grand catholique: «Quand j'entre dans mon laboratoire, je laisse mes convictions au vestiaire.» On verse au compte de la civilisation arabe ce qui fut en réalité une symbiose réussie entre conquérants et conquis. Cette donnée explique en partie pourquoi cette culture a culminé en un «âge d'or», mais n'a pas pu durer. Puisqu'il y a eu deux sociétés mythiques, l'Andalousie et Baghdad, dans lesquelles tout est, rétrospectivement, supposé parfait, il suffit de s'en réclamer. (...) L'aventure de l'Europe n'a pas été commode: elle est passée par les bûchers et la condamnation de Galilée. Mais, en fin de compte, l'Europe a triomphé de ses propres démons. Même si la colonisation a constitué un scandale économique, politique et culturel, les peuples du tiers-monde, y compris les peuples arabes, n'ont pas d'autre choix que d'accepter les valeurs de l'Occident.» (8) Albert Memmi dit vrai: «Nous vivons dans le passé, nous surfons sur des vagues qui ne nous appartiennent pas.» Ainsi, la mort de Ahmed Zaoui, seul prix Nobel de Chimie arabe américain né égyptien est passée inaperçue. Cependant, les choses ne sont pas simples, le malheur des Arabes est le pétrole qui, en attisant les convoitises permet aux nations occidentales de maintenir le statu quo à demeure avec des dirigeants aux ordres. Les printemps arabes n'étaient que du vent et seule une révolution endogène basée sur l'éducation et le savoir permettra de rattraper le train de la science. C'est globalement le consensus admis. 1.Ahmed Bensaada: Au temps béni des coalitions 18 Décembre 2015 2.Jacques Berque: http://www.islam-fraternet. com/maj-0598/berq.htm 3.C. E. Chitour: Les chrétiens d'Orient veulent rester arabes Mondialisation.ca 23 09 2012 4. Inès Safi https://blogs.mediapart.fr/ines-safi/blog/060616/amour-du-feminin-et-connaissance-au-feminin-islam-et-dialogue-euro-mediterraneen 5.http://www.arllfb.be/ebibliotheque/communications/brogniet09042011.pdf 6.Fayçal Métaoui http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache: l7jOAaonTCMJ:www.sila-dz.com/conference-presse-george corm.html+le+nouveau+ gouvernement+du+monde+georges+ corm&cd=34&hl=fr&ct=clnk&gl=fr 7. Hayat al Huwik Atia: Lettre ouverte http:// liberation-opprimes.net/ 24 mai 2009 8.Albert Memmi: Les Arabes Interview par Christian Makarian L'Express du 14/06/2004