Saïd L. roulait à une vitesse vertigineuse. Trois piétons sont heurtés. Deux innocentes succombent... En roulant déraisonnablement vite aux environs de Boufarik (Blida), Saïd L., la trentaine, a tué deux filles piétons et blessé un autre jeune homme. Flanqué de Me Lila Khellili, la fille du valeureux feu Mahmoud, le chantre des droits de l'homme, disparu il y aura bientôt deux ans, l'inculpé tremble devant Nassima Khetabi, la juge pourtant sereine. Il a même le temps de jeter un oeil sur la charmante Ghania Keddache du ministère public qui n'y est pas allé avec le dos de la cuillère. Les faits sont clairs : excès de vitesse, deux filles décapitées et une troisième endolorie par de graves blessures. Me Lila Khellili, son conseil est toute retournée. Elle tente même un petit regard, histoire de le réconforter. Elle plaidera avec audace la relaxe. A défaut, elle prie le tribunal d'accorder à son client les circonstances atténuantes: «Il n'a pas foncé sur le trio de citoyens, c'est lorsque la voiture a dérapé que le drame a eu lieu». La procureur s'était auparavant soulevée contre ce fléau qu'est la folle circulation routière. «Quotidiennement, nos enfants meurent à cause de l'excès de vitesse». En moyenne, neuf Algériens disparaissent par jour. C'est impensable. C'est pourquoi, pour cet inculpé, le ministère public requiert deux ans d'emprisonnement et une amende de dix mille DA. Khetabi, elle, en magistrate avertie, ne s'est pas trop étalée sur ce drame. Elle a posé les questions qu'il fallait, surtout que Saïd n'était pas bien, lui, le jeune qui a tué involontairement deux jeunes filles qui attendaient le bus pour rentrer chez elles. Elle sait aussi que les termes de l'article 288 du code pénal parlent de maladresse, d'imprudence, d'inattention, de négligence ou encore d'inobservation de règlements. Elle écoutera Me Khellili sans la suivre entièrement dans ses demandes. Elle inflige une peine de six mois ferme, le temps qu'il rumine l'excès de vitesse et surtout qu'il efface de sa mémoire le choc fatal aux filles.