Kerry-Lavrov ou l'art de donner le change La récente interview de Bachar al Assad permet de comprendre pourquoi les médias occidentaux ont manifesté une telle frénésie dans la désinformation sur la Syrie, la position stratégique d'Alep étant la clé du combat contre le terrorisme. Aujourd'hui, une nouvelle rencontre doit avoir lieu à Lausanne (Suisse), entre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, entourés de leurs homologues turc, saoudien et probablement qatari, en leur qualité de parrains de l'opposition au régime du président Bachar al Assad pour évoquer la question du cessez-le-feu à Alep. Jusqu'à ce jour, les bombardements se sont poursuivis sans relâche au niveau des quartiers rebelles de la seconde ville du pays, malgré une intense campagne internationale menée par les pays occidentaux pour tenter de sauver les combattants rebelles dont beaucoup appartiennent aux organisations terroristes bien connues. Les nouvelles retrouvailles entre Lavrov et Kerry interviennent quarante-huit heures à peine après la réaction du président Vladimir Poutine qui a dénoncé une «hystérie anti-russe», pour qualifier les discours américain, français et britannique et une escalade verbale allant jusqu'à parler de «crimes de guerre» pour évoquer l'échec des pourparlers autour du cessez-le-feu à Alep, échec imputé à Moscou alors que le classement des organisations terroristes a donné lieu à un jeu trouble du chef de file de la coalition internationale. Pour les puissances occidentales, il importe de maintenir le statu quo à Alep et d'empêcher ainsi l'armée syrienne de conclure l'offensive de grande envergure, engagée depuis le 22 septembre dernier, en vue de récupérer la région soumise depuis plus de quatre ans au diktat des factions terroristes. Au cours des trois semaines écoulées, l'aviation syrienne soutenue par la Russie a mené des bombardements afin de contraindre ces groupes à la reddition et c'est justement ce que veulent éviter à tout prix leurs parrains. Les frappes qui ont atteint plusieurs quartiers d'Alep-Est, secteur aux mains des organisations rebelles, ont poussé une frange de la population civile à se réfugier dans la zone contrôlée par l'armée syrienne qui a multiplié les appels en ce sens depuis le début des opérations, en prévision de la tactique des rebelles qui la prennent en otage et l'utilisent comme bouclier. Cependant, ils sont 250 000 à vivre dans la zone assiégée et l'armée syrienne a multiplié les tentatives pour les soustraire au chantage des factions rebelles, proposant à celles-ci un retrait sans conséquence hors d'Alep-Est. Faute de réaction, les raids ont continué avec la même intensité et Damas ne cache pas son objectif d'en finir avec la présence de la moindre poche rebelle dans cette région stratégique. Dans une interview accordée récemment au journal russe Komsomolskaya Pravda, le président Bachar Al-Assad a décrypté la situation en indiquant que «le principal problème reste le terrorisme» et que son objectif est de «nettoyer cette zone (la région d'Alep), repousser les terroristes vers la Turquie d'où ils viennent». Cette interview permet de comprendre pourquoi les médias occidentaux ont manifesté une telle frénésie dans la désinformation sur la Syrie, la position stratégique d'Alep étant la clé du combat contre le terrorisme, car elle est une plate-forte pour tous les déplacements des groupes terroristes vers l'ensemble des zones syriennes et vers les pays voisins, subissant ou nourrissant le terrorisme. Dans ce contexte, la Russie a intensifié le déploiement de ses forces aériennes en Syrie, «pour une durée indéterminée», principalement dans l'aéroport de Hmeimim, à l'ouest du pays, au lendemain de la ratification de l'accord entre Damas et Moscou relatif aux conditions d'activité des militaires russes et de leurs familles. Compte tenu des multiples échecs enregistrés lors des précédentes négociations et dès lors qu'aucune concession n'est advenue, depuis, sur plusieurs sujets dont celui de la classification des groupes armées soutenus par la coalition internationale, il y a lieu de parier que la rencontre de Lausanne a toutes les chances de s'achever sur un autre constat d'impuissance. En tentant de nouveaux pourparlers, aujourd'hui à Lausanne avec les pays de la région membres de la coalition, et demain à Londres, avec les pays européens concernés dont l'Allemagne, les Etats-Unis qui avaient «suspendu» les négociations, début octobre, au motif que Moscou ne veut pas desserrer l'étau autour d'Alep-Est «pour permettre l'accès de l'aide humanitaire aux civils assiégés», reviennent à la table de discussions. Ils vont ainsi répéter leurs exigences, brandir la menace des sanctions déjà évoquées, voici quelques jours, par les dirigeants français et britanniques et tenter d'amadouer la Russie après qu'elle ait opposé son veto à une résolution française au Conseil de sécurité de l'ONU, prévoyant un cessez-le-feu à Alep et l'interdiction de tout survol militaire. Ce qui montre bien qu'il s'agira, là encore, d'un coup d'épée dans l'eau...