En 2015, Fabius affirmait qu'Al Nosra faisait du bon boulot en Syrie. Les USA en ont pris acte. «Je voudrais que nous soyons honnêtes les uns avec les autres (...) Je ne comprends pas pourquoi nous devrions cacher des accords», s'est interrogé le président Poutine dans une allusion transparente au refus des Etats-Unis de partager avec le Conseil de sécurité de l'ONU les détails de l'accord... Depuis le Kirghistan où il effectue une visite officielle, le président russe Vladimir Poutine a déclaré hier que «la Russie et la Syrie respectent les engagements souscrits dans le cadre de l'accord américano-russe pour une trêve», mais que «les rebelles tentent d'en profiter pour opérer des regroupements» et des attaques. Plus critique encore est le reproche fait à Washington de manquer de transparence. Les Etats-Unis, en effet, ont mis à profit la trêve observée par les alliés russo-syriens pour renforcer les moyens matériels des forces turques et kurdes au nord du pays et surtout pour réorganiser les factions rebelles en leur faisant changer d'étiquette, d'appellation et de capacités militaires. C'est ainsi que Fateh al Cham, alias Al Nosra, alias Al Qaïda en Syrie est présentée comme un mouvement rebelle, non seulement représentatif du peuple syrien, mais aussi et surtout crédité d'une mission de porte-parole de l'opposition au régime de Bachar al Assad! Comble de l'ironie, Al Nosra a constamment joué sur le registre du terrorisme et pactisé sans état d'âme avec l'Etat islamique (EI), dès lors partage ouvertement les mêmes commanditaires et les mêmes objectifs. Le président Vladimir Poutine a souligné que le régime du président Bachar al-Assad «respecte complètement» la trêve, et «la Russie toutes ses obligations», observant que»c'est ce que nous voyons, et c'est triste», car Washington semble amorphe face au «problème plutôt compliqué de distinguer les opposants (au régime) des terroristes». Le choix des Etats-Unis persiste qui vise à maintenir bon gré mal gré des forces hostiles au gouvernement légitime du président Assad, cible majeure des pays occidentaux indifférents aux expériences antérieures qu'ils ont infligées en Irak et en Libye. Poutine a clairement indiqué que cette démarche conduit à «une voie très dangereuse», mais pas seulement. Elle illustre le manque flagrant de «transparence» des Américains qui ont fait des pieds et des mains pour parvenir à une trêve dans le seul but de préserver les chances des rebelles assiégés à Alep et dans d'autres zones, leur conférant un répit et exploitant l'accord sur l'acheminement de l'aide (vivres, médicaments...) pour les réapprovisionner en armes et en munitions. C'est cette éventualité qui alarme le président russe dont l'inquiétude s'est traduite par un appel à la transparence.»Je voudrais que nous soyons honnêtes les uns avec les autres (...) Je ne comprends pas pourquoi nous devrions cacher des accords», s'est-il interrogé, dans une allusion transparente au refus des Etats-Unis de partager avec le Conseil de sécurité de l'ONU les détails de l'accord, une attitude justifiée officiellement pour des raisons de «sécurité opérationnelle». Poutine n'a pas manqué cependant de rassurer Washington sur l'attitude de Moscou qui s'abstiendra «de révéler des détails tant que nos partenaires américains ne seront pas d'accord pour le faire». Ceci ne l'a pas empêché, pour autant, de jeter un pavé dans la mare en ajoutant que les Etats-Unis «ne veulent pas rendre ces détails publics parce qu'alors la communauté internationale (...) comprendra qui sont ceux qui ne respectent pas l'accord», faisant une référence claire aux rebelles et à leurs commanditaires. Dans une telle situation d'imbroglio politique et militaire, le président russe choisit «plutôt positif que négatif» quant aux chances de sauvegarder l'accord, partant du fait que Moscou avait «des accords avec le président et le gouvernement légitimes de Syrie» et que, «comme nous pouvons le voir, les forces syriennes respectent complètement ces accords». A l'inverse, les capitales occidentales bruissent depuis plusieurs jours de fausses nouvelles sur de «sérieux accrocs» dans cette trêve et sur les «tensions» entre Moscou et Washington, oubliant un peu vite le chassé-croisé du secrétaire d'Etat américain John Kerry pour arracher à son homologue russe Sergeï Lavrov les termes de l'accord au bout du compte soumis à condition. En effet, hier, les Américains ont affirmé qu'ils ne participeraient à aucune offensive avec Moscou contre Daesh tant que les convois de vivres ne seront pas autorisés à pénétrer dans les enclaves rebelles assiégées. Cela, alors même qu'ils se refusent à identifier les factions prétendument rebelles et celles terroristes. Cette «exigence» américaine va envenimer les relations entre les deux grandes puissances, la manoeuvre des Américains n'étant sûrement pas tributaire seulement de «l'aide humanitaire» mais d'autres motifs moins avouables. La preuve, une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU qui devait se tenir vendredi soir à New York a été annulée in extremis sur décision des deux parrains de la trêve qui ont de plus en plus de difficultés à s'entendre. L'objectif de cette réunion était de permettre l'examen d'une résolution du Conseil, favorable à l'accord américano-russe, dont l'aboutissement heureux aurait été le rétablissement de la paix en Syrie. Alors que les ambassadeurs américain et russe devaient présenter à leurs partenaires les détails de l'accord, connus des seuls pays négociateurs, les Etats-Unis se sont opposés à la divulgation des documents du dit accord au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. «Nous n'allons très probablement pas avoir de résolution au Conseil de sécurité, parce que les Etats-Unis ne veulent pas partager ces documents avec les membres du Conseil de sécurité», a déclaré à des journalistes l'ambassadeur de la Russie à l'ONU, Vitali Tchourkine.»Nous pensons que nous ne pouvons pas leur demander de soutenir un document qu'ils n'ont pas vu», a-t-il alors ajouté. Argutie des Américains, la sécurité de certains groupes armés aurait pu être «menacée» par la présentation des documents dont la teneur risquait, avant tout, de modifier la perception du drame syrien chez plusieurs pays membres de l'instance onusienne. En somme, pour Washington, le véritable objectif est atteint qui consiste à donner un temps de répit aux groupes assiégés dont l'agressivité a été quelque peu tiédie par les bombardements de l'aviation syrienne et russe. Dans ces conditions, il semble improbable que, dans les jours prochains, l'accord soit prolongé même si le général Igor Konachenkov, porte-parole du ministère russe de la Défense, s'est dit favorable à une prolongation de la trêve de 72 heures. Une perspective que le secrétaire d'Etat américain John Kerry a ignoré, pour condamner, lors d'un contact téléphonique avec Sergueï Lavrov, «les retards répétés et inacceptables de l'aide humanitaire»