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Ce qui a changé dans le monde
90 JOURS APRES LES ATTENTATS ANTI-AMERICAINS
Publié dans L'Expression le 11 - 12 - 2001

Trois mois après les attentats terroristes du 11 septembre, le monde n'en finit pas de subir des transformations dans le fond. La guerre d'Afghanistan et la chute des taliban ont été par trop précipitées pour permettre de dresser un bilan des choses. Toutefois, l'on peut, d'ores et déjà, entrevoir certains changements qui sont en train de s'opérer en sous-sol.
Assistons-nous à une guerre Nord-Sud, Orient musulman contre Occident chrétien ou des pays développés contre ceux qui sont en train de les remettre en question? L'évolution de la situation pourrait, seule, jeter un éclairage profond sur la situation.
Les changements palpables qu'on peut, aujourd'hui même, apprécier, se situent à plusieurs niveaux. Il y a d'abord le mythe de la fin de l'hégémonie militaire au profit de la suprématie économique et des lobbyings.
En fait, la force militaire est encore en mesure de faire la différence et l'hégémonie des armées pèse encore de tout son poids dans les rapports de force et les relations internationales. La démonstration de force déployée par Bush a fait perdre la voix aux autres pays occidentaux, qui ont vite fait d'approuver tout ce que voulaient faire les Etats-Unis. Et les ont suivis.
Il y a aussi -et surtout- le retour en force du renseignement. Les attentats contre Washington et New York ont remis sur pied les services spéciaux. En fait, c'est la revanche des espions. Depuis la fin de
la guerre froide, il y eut démantèlement, restructuration ou allégement des services de renseignement dans le monde. Dans la plupart des pays, on a assisté à une remise en cause des prérogatives des services de renseignement. Revus à la baisse, diminués de leur pouvoir ou carrément «mis sur la touche», ces services ont dépéri, avant de tomber peu à peu dans la déchéance.
Le monde moderne, démocratique et transparent n'a plus besoin de ces «taupes » d'un autre âge. Place à la technologie! Mais non, les attentats du 11 septembre ont non seulement pas mis en échec le renseignement, mais démenti le pouvoir des machines. Il fallait donc revenir au renseignement traditionnel, au renseignement humain, d'investigation, d'information, de collecte d'indices, fait d'intrigues et de jeux discrets.
C'est ce renseignement qui a réinvesti la planète après le 11 septembre. Près de 200.000 agents sont lancés dans le monde. Ben Laden n'est qu'un prétexte. L'enjeu est tout autre. Connaître les atouts de l'autre est le nouveau challenge qui se pose.
Il y a aussi autre chose qui ne doit pas passer inaperçu: les nouveaux liens qui se sont noués à la faveur d'un front mondial contre le terrorisme. La Russie, par exemple, pour bénéficier des retombées politiques, s'est jointe aux Etats-Unis. Le but est d'épingler les rebelles tchétchènes au tableau noir des organisations terroristes, et donc, de justifier ses exactions monstrueuses contre ce peuple.
L'Inde pèse de tout son poids pour discréditer le Pakistan. L'enjeu étant le Cachemire. Israël a trouvé le champ propice pour reserrer davantage l'étau sur l'Autorité palestinienne et tuer à vue les éléments des organisations islamistes palestiniennes.
Mieux, beaucoup d'Etats arabes ont souhaité voir les mouvements politiques internes de l'opposition indexés dans la liste noire, qui permettrait et justifierait toutes les répressions.
De grandes manipulations, empreintes de mensonges, de stratagèmes ou d'escamotages, ont défilé devant nos yeux. Les morts civils en Afghanistan, le massacre des prisonniers de Qalae Jengi, les armes utilisées, les véritables desseins de Bush et d'autres horreurs de ce genre furent occultés, cachés. La «vérité immuable» fut en réalité, un très large éventail de mensonges grossiers et meurtriers.
De nouveaux monstres règnent désormais sur les médias. Le pouvoir de ces derniers est un leurre. Ce sont les maîtres-penseurs, les stratèges de la réflexion, de l'orientation, de la manipulation de l'information qui mènent le jeu.
Ce sont ces spins doctors qui impriment la cadence.
De gré ou d'influence, le journaliste se laisse prendre au jeu subtil des spécialistes de l'effet. Le 4e pouvoir n'est pas mort pour autant. Il est maintenu en vie pour quelque temps encore, mais déjà, derrière, se profile l'ombre mystérieuse des spins doctors.


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