Les Sud-coréens votent mardi pour remplacer la présidente déchue Park Geun-Hye, après une campagne express dominée par la problématique de l'emploi et des inégalités, mais pas par le dossier nord-coréen. Les progrès des programmes balistique et nucléaire de Pyongyang font les gros titres de la presse internationale, en raison notamment de l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Mais les Sud-coréens sont habitués à vivre avec la menace nord-coréenne qui, dans le contexte si particulier ayant présidé à cette élection, est tout sauf le déterminant de leur vote. Cette présidentielle doit permettre à la société sud-coréenne de tourner la page après des mois de turbulences liées au retentissant scandale de corruption qui a entraîné la descente aux enfers de Mme Park. Sa destitution par l'Assemblée nationale a été confirmée par la Cour constitutionnelle et elle attend derrière les barreaux d'être jugée pour corruption et abus de pouvoir. Les rassemblements de millions de personnes pour demander le départ de Mme Park ont aussi été une occasion de manifester la colère grandissante, au sein de la quatrième économie d'Asie, contre la montée des inégalités et le chômage. A en croire les sondages, le scrutin à un tour qui se tient mardi débouchera sur l'alternance, après une décennie de pouvoir sans partage des conservateurs. Une enquête Realmeter crédite le candidat du Parti démocratique Moon Jae-In, classé à gauche, de 42,4% des voix, loin devant le centriste Ahn Cheol-Soo et le conservateur Hong Joon-Pyo, à la lutte autour de 18%. «La droite sud-coréenne va prendre une gifle comparable à celle que les Républicains américains avaient essuyée après le Watergate», pronostique le politologue Robert Kelly, de l'Université nationale de Busan. Des responsables de la Commission électorale nationale s'attendent d'ailleurs à une participation très forte. Reste que la victoire ne donnera pas un chèque en blanc au candidat élu, qui aura fort à faire avec le ralentissement de la croissance, les inégalités et le chômage -des jeunes notamment- à la hausse, des salaires qui stagnent. Une situation d'autant plus insupportable pour la population qu'elle survient au moment où l'indice vedette de la Bourse sud-coréenne atteint des sommets, et où 10% des Sud-coréens les plus riches totalisent près de la moitié des revenus de l'ensemble de la population, selon une enquête du Fonds monétaire international publiée l'an dernier. Le scandale qui a coûté son poste à Mme Park a contribué au ressentiment général en illustrant à nouveau les relations malsaines entre la classe politique et le patronat. En cause notamment, une confidente de l'ombre de l'ancienne présidente, Choi Soon-Sil, accusée d'avoir profité de ses relations pour extorquer des dizaines de millions de dollars aux grands groupes sud-coréens. L'ampleur du scandale, qui implique aussi l'héritier de Samsung et le président de Lotte -cinquième plus grand conglomérat sud-coréen- a contraint tous les candidats à la présidentielle à promettre des réformes pour plus de probité. Mais en raison de leur poids dans l'économie, les «chaebols» -les grands conglomérats sud-coréens- sont presque intouchables. Et beaucoup de dirigeants sud-coréens, une fois élus, ont dû renoncer à mettre en oeuvre de similaires promesses de campagne. «Les problèmes sont tellement complexes et entremêlés qu'il faudra beaucoup de temps au prochain président pour les résoudre, si tant est qu'on puisse les résoudre», écrivait récemment dans un essai l'ex-Premier ministre Kim Hwang-Shik. Le prochain occupant de «la Maison bleue», la présidence sud-coréenne, héritera en arrivant du brûlant dossier nord-coréen.