Surprise. Alors que sa conférence de presse, tenue jeudi dernier, était censée n'apporter que des éclaircissements sur le déroulement des élections législatives, Tayeb Louh, notre ministre de la Justice, a «bifurqué» sur l'immunité parlementaire qui ne commence à s'appliquer qu'après l'ouverture de la législature. De plus et en soulignant la nécessité «de parvenir à un équilibre législatif, à la faveur d'un débat ouvert, à même de garantir l'immunité parlementaire au député sans limitation des prérogatives de la justice dans ce domaine», on peut se demander s'il vient, à peine, de découvrir le problème. Comme ce n'est pas le cas, il faudra chercher ailleurs les raisons de ce chantier qu'il espère voir s'ouvrir. Chacun sait que l'immunité dont jouissent les parlementaires les met à l'abri des poursuites judiciaires, d'arrestation ou de toutes autres actions civiles et pénales en lien direct avec l'exercice de leur mandat. En pratique, cette immunité a un spectre plus large. Pour ne pas dire indéfini. D'ailleurs, Louh l'a bien précisé quand il dit que l'immunité consiste «à permettre au député de remplir sa mission loin de toute pression ou influence». Il reconnaît cependant «l'existence de cas de dépassements enregistrés». Il ajoute même que «la loi n'interdit pas à la personne poursuivie en justice de briguer un mandat parlementaire et partant de jouir de l'immunité en cas de victoire sont autant de facteurs exigeant un débat». Si l'on garde en mémoire qu'une personne «poursuivie en justice» bénéficie de la présomption d'innocence, il n'est pas exclu qu'un ou des cas aient pu être constatés parmi les nouveaux élus. D'abord, qu'en sera-t-il de ces poursuites après le scrutin si le député, concerné, use de son immunité pour ne plus répondre aux convocations des enquêteurs et du juge? Voilà deux cas de figure (avec les dépassements) au moins qui nécessitent évidemment le débat souhaité par le ministre. Il faut dire que la question a été abordée lors de la campagne électorale. On peut citer le président du Front El-Moustakbal, Abdelaziz Belaïd, qui, dans son meeting de Skikda a déclaré qu'il y a «des lobbies qui tentent de passer de la sphère économique vers celle de la politique pour obtenir l'immunité parlementaire». On peut également citer Louisa Hanoune du Parti des travailleurs qui a rappelé à Koléa que son parti est favorable à une révision de l'immunité parlementaire. Ce serait là une autre raison qui aurait pu inciter le ministre à aborder le sujet, jeudi dernier. Façon de transmettre l'appui de l'Exécutif à une meilleure délimitation du champ d'application de cette immunité. Pourquoi pas un projet de loi de l'opposition auquel la majorité présidentielle joindrait ses voix? Ce qui serait une première. Ce qui serait surtout bénéfique pour la démocratie et l'intérêt général du pays. Un moment de vérité pour notre classe politique!