«J'ai prévenu le Président Macron qu'il faisait une grave erreur sur le Sahara occidental». C'était en marge du sommet du G7 à Bari, le 13 juin dernier, rappelle le Président Abdelmadjid Tebboune dans l'entretien qu'il a accordé au journal français l'Opinion. «Nous avons parlé avec le Président Macron plus de 2 heures 30 (…) Il m'a alors annoncé qu'il allait faire un geste pour reconnaître la «marocanité» du Sahara occidental, ce que nous savions déjà. Je l'ai alors prévenu : «Vous faites une grave erreur ! Vous n'allez rien gagner et vous allez nous perdre», rapporte le Président Tebboune. «Et vous oubliez que vous êtes un membre permanent du Conseil de sécurité, donc protecteur de la légalité internationale», a-t-il ajouté dans un entretien à ce quotidien. A propos des relations algéro-françaises, «le climat est délétère, nous perdons du temps avec le Président (Emmanuel) Macron. Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel. C'est pour cela que nous avons créé, à mon initiative une commission mixte pour écrire cette histoire qui nous fait encore mal», a indiqué le président de la République. Les réparations relatives aux explosions nucléaires Le Président Tebboune a évoqué la question des réparations relatives aux explosions nucléaires et à l'utilisation d'armes chimiques par la France dans le Sud de l'Algérie qui est un sujet indispensable pour la reprise de la coopération bilatérale, appelant à régler définitivement ces contentieux. «La France qui doit nous dire avec précision les périmètres où ces essais ont été réalisés et où les matériaux sont enterrés», a précisé le président de la République. Rappelant avoir entamé sa carrière de fonctionnaire à Béchar, il a affirmé à ce sujet, qu'«au tout début des années 1970, pratiquement toutes les semaines, nous avions des plaintes d'éleveurs relatives à la mort de leurs bêtes», mettant l'accent sur le fait qu'«il ne faut pas mettre la poussière sous le tapis et régler définitivement ces contentieux». Les accords de 1968 A une question sur la dénonciation des Accords de 1968 de la part de plusieurs politiques français, le président de la République a estimé qu'il s'agit d'«une question de principe». «Je ne peux pas marcher avec toutes les lubies. Pourquoi annuler ce texte qui a été révisé en 1985, 1994 et 2001?», s'est-il interrogé. Interrogé sur «l'influence de l'Algérie à la Grande Mosquée de Paris», le président de la République a expliqué que «l'Etat algérien n'a pas voulu laisser des associations douteuses faire de l'entrisme à la Grande Mosquée et a toujours pris en charge son entretien». Il a rappelé à ce propos, que lorsqu'il était ministre de la Communication et de la Culture, il avait «instauré ces aides (qui) servent notamment à rénover les bâtiments», soulignant que «la France officielle n'a jamais fait d'objection et se rend régulièrement aux invitations du recteur». Il a ajouté dans le même sillage que «la Grande Mosquée n'est pas une officine» et que «le recteur actuel, Chems-Eddine Hafiz, a été choisi de manière concertée avec son prédécesseur, Dalil Boubakeur, et l'Etat français». La feuille de route d'août 2022 Le président de la République a aussi rappelé avoir établi «une feuille de route ambitieuse» après la visite en août 2022 du Président Macron, suivie de celle d'Elisabeth Borne, alors Premier ministre, qu'il a qualifiée de «femme compétente connaissant ses dossiers». «Mais, plus rien n'avance si ce n'est les relations commerciales», a-t-il fait observer. A cet effet, il a affirmé que «le dialogue politique est quasiment interrompu», évoquant les «déclarations hostiles tous les jours de politiques français, comme celles du député de Nice, Eric Ciotti, ou du membre du Rassemblement national (Jordan Bardella)». Interrogé sur sa disposition «à reprendre le dialogue à condition qu'il y ait des déclarations politiques fortes», le président de la République a répondu: «Tout à fait. Ce n'est pas à moi de les faire. Pour moi, la République française, c'est d'abord son Président». «Il y a des intellectuels et des hommes politiques que nous respectons en France comme Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Dominique de Villepin, qui a bonne presse dans tout le monde arabe, parce qu'il représente une certaine France qui avait son poids», a-t-il relevé. Il a ajouté qu'«il faut aussi qu'ils puissent s'exprimer. Et ne pas laisser ceux qui se disent journalistes leur couper la parole et les humilier, particulièrement dans les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l'image de l'Algérie».