La chancelière allemande Angela Merkel a vivement dénoncé hier l'interdiction faite à des députés allemands de se rendre sur une base en Turquie où sont déployés des militaires allemands et a dit étudier un possible retrait des troupes. «C'est regrettable», a déclaré Angela Merkel lors d'une conférence de presse de son parti alors que des députés comptaient se rendre cette semaine sur la base d'Incirlik qui sert aux opérations de la coalition internationale contre le groupe jihadiste Etat islamique. Rappelant que ce n'était pas la première fois que l'Allemagne rencontrait des difficultés à organiser la visite de députés sur cette base qui accueille aujourd'hui 270 soldats allemands, Angela Merkel a évoqué «la recherche d'alternatives à Incirlik», et «une alternative possible qui serait en Jordanie». «Et je ne peux que répéter ce que j'ai dit dès les premières difficultés: la Bundeswehr (l'armée allemande, ndlr) est une armée parlementaire et il est donc absolument nécessaire que nos députés puissent rendre visite à nos soldates et soldats dans leurs installations», a insisté Mme Merkel, faisant référence au statut particulier de l'armée allemande, qui n'intervient sur des théâtres extérieurs qu'après un vote positif des parlementaires allemands. Berlin et Ankara multiplient depuis un an les passes d'armes et les crises diplomatiques, la Turquie accusant régulièrement l'Allemagne d'ingérence ou de soutien aux groupes d'opposition au président Recep Tayyip Erdogan. Cette nouvelle dispute intervient d'ailleurs juste après la profonde crise du printemps, lorsque M. Erdogan a accusé Berlin et d'autres capitales européennes de pratiques «nazies» après les interdictions de plusieurs meetings de soutien à la réforme constitutionnelle renforçant les pouvoirs du président turc. La Turquie avait déjà repoussé l'an dernier de plusieurs mois une précédente visite de députés allemands à Incirlik, le Bundestag - chambre basse du Parlement allemand - ayant reconnu le génocide des Arméniens par le pouvoir ottoman au début du XXe siècle. Berlin soupçonne Ankara de punir l'Allemagne cette fois-ci pour avoir accordé l'asile politique à des militaires turcs qui en avaient fait la demande après les purges déclenchées à la suite du coup d'Etat manqué de juillet dernier. «Peut-être (l'interdiction a-t-elle été décidée) en raison des décisions d'autorités allemandes indépendantes concernant des membres de l'armée» turque, a pour sa part estimé Martin Schäfer, porte-parole de la diplomatie allemande. Plusieurs centaines de diplomates, militaires et membres de leurs familles ont déposé des demandes d'asile en Allemagne. Dès janvier, Ankara avait pressé Berlin de rejeter de telles demandes et réclamé également l'extradition des putschistes présumés qui auraient trouvé refuge en Allemagne. Selon M. Schäfer, le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel va encore aborder le sujet Incirlik avec des responsables turcs cette semaine à Washington où doit se dérouler une réunion de la coalition anti-EI. Si Berlin devait changer de site pour ses troupes et ses avions Tornado qui effectuent des missions de reconnaissance ou de ravitaillement au-dessus des territoires contrôlées par les jihadistes en Syrie, c'est la Jordanie qui lui conviendrait le mieux. «La Jordanie dispose des meilleures conditions, même si ce n'est pas comparable à Incirlik en ce qui concerne les conditions de sécurité et la coordination avec les alliés», a dit le porte-parole du ministre de la Défense, Jens Flosdorff.