Deux groupes pour une soirée unique placée sous le signe de la rencontre et de l'échange. Des groupes se suivent mais ne se ressemblent pas et c'est tant mieux ! Dans la continuité du Festival culturel européen qui a atteint sa vitesse de croisière, la salle Ibn Zeydoun à Riadh El Feth a accueilli, mardi soir, une belle formation musicale belge L'âme des poètes avec en première partie le groupe de jazz de Constantine Sinouj. Fraîchement rentrés de la ville des Ponts, après leur participation remarquée au 3e Festival international Dimajazz, revoilà les musiciens sur la scène de la salle Ibn Zeydoun. Il faut dire que celle-ci ne leur est pas du tout étrangère. Sinouj est un excellent groupe qui, avec le temps, s'est forgé une vraie touche professionnelle à force de participer à différents festivals ici et à l'étranger. Le leader du groupe n'est autre que Aziz Djemame, le batteur à la dextérité méticuleuse et précise. Sinouj c'est aussi Kheireddine Dekhal à la guitare électrique sonnante et lancinante, Amar Ezahi à la basse chaleureuse et rayonnante et puis enfin l'excellent violoniste qui nous vient de Tunis, Larbi Sassi. Le prélude se veut un titre évocateur de la première édition du festival Majazz, une composition qui porte son nom. S'ensuivra une avalanche de rythmes aux couleurs multiples. En effet, le jazz de Sinouj s'est révélé corrosif, tonitruant grâce aux notes saisissantes de la guitare et doux, profond et mélodieux grâce au violon. Un violon qui déchire les âmes... Les couleurs du Maghreb se diluent dans un jazz qui respire parfois les senteurs de l'Orient. Forcément, cela interpelle la sensibilité d'un public qui «réceptionnera» les airs en tapant des mains la mesure dans une ferveur des grands jours. La joie aidant, Larbi Sassi se lancera dans un chant approximatif du style Halali lali qui pousseront certains à la danse... La seconde partie de la soirée sera aussi captivante que la précédente. Bien connu des amateurs de jazz et de chanson française, L'âme des poètes est connu pour son travail d'adaptation instrumentale des grands standards de la chanson française, laissant à l'improvisation une part prépondérante tout en maintenant intacte l'émotion des versions originales. Après Brel et Brassens, le thème choisi n'est plus le répertoire d'un seul auteur mais bien le double thème des chansons d'amour et des prénoms. Inspiré d'un des titres des chansons de Charles Trenet auquel il doit le nom du groupe, L'âme des poètes est composé de Fabien Degryse à la guitare acoustique, Jean-Louis Rassinfarse à la contrebasse et Pierre Vaiana au saxophone soprano. Le groupe entamera son «récital» par Quand on a que l'amour de Jacques Brel, puis Brave Margo de Brassens. Il enchaînera un medley de quelques chansons françaises reliées entre elles par des histoires d'amour imaginaires. On citera Aline de Christophe, Que je t'aime de Johnny Haliday, Pour un flirt avec toi de Michel Delpech. Gainsbourg est revisité savamment ainsi que Charles Trenet, Que reste-t-il de nos amours. «Des chansons qui courent les rues et font partie finalement de notre patrimoine commun», dira le contrebassiste qui se distinguera en outre par son humour assez original et ses jeux de mots transformant le Ce soir j'attends Madeleine par Bas de laine à l'intention des économistes qui cacheraient leur argent sous un matelas ou autres... Pour finir en apothéose, Sinouj revient sur scène pour une belle fusion sur Les filles du cabaret. «Une façon, dira le contrebassiste, d'illustrer les propos de Louis Armstrong : le jazz ce n'est pas ce qu'on joue mais la manière dont on joue!» Effectivement... En parallèle à ce concert, une exposition de bandes dessinées grand format a été inaugurée dans le hall de la salle Ibn Zeydoun. Des BD racontant le jazz et son climat, la vie de ses grands solistes ou du plus célèbre, sax, lui-même. Les auteurs de BD racontent en images des histoires tendres, brûlantes ou sauvages. Les oeuvres d'auteurs de bande dessinée wallons et bruxellois sont placées à juste titre sous le générique: Bulles, jazz, blues.