Au lendemain de la série d'attentats à la bombe qui ont secoué l'Iran, en pleine campagne électorale, le mystère demeure sur leurs auteurs. A cinq jours de l'important scrutin présidentiel qui désignera le successeur du président sortant, Mohamed Khatami, l'Iran a été secoué dimanche par une série d'attentats à la bombe à Ahvaz (sud-ouest de l'Iran), capitale de la province arabophone du Khouzistan et, dans la soirée de la même journée, à Téhéran. Les attentats d'Ahvaz et de Téhéran ont causé la mort d'au moins dix personnes (dont huit à Ahvaz) et plus de 90 blessés. Toutefois, jusqu'à hier, aucun bilan officiel n'a été donné par les autorités iraniennes, alors que le vice-gouverneur du Khouzistan estimait, dimanche, qu'il y a eu au moins quatre morts, chiffre revu à la hausse par des sources hospitalières. Ces attentats qui surviennent en pleine campagne présidentielle, -marquée elle-même par des violences entre les partisans des différents candidats-, pose en fait nombre de questionnements. Cela, d'autant plus qu'un haut responsable des services de sécurité iraniens, Ali Agha Mohammadi, a admis hier que les trois explosions, qui ont ébranlé mercredi dernier la ville sainte de Qom, étaient en fait des attentats, ce que les autorités avaient jusqu'alors démentis. M. Mohammadi ne donne pas d'autres précisions, mais estime que «les appels au boycottage des élections ayant échoué, les groupes terroristes basés en Irak cherchent par ces attentats à empêcher le bon déroulement» de la présidentielle de vendredi, et partant nuire à «une forte participation» populaire. Participation qui reste l'enjeu déclaré du scrutin présidentiel du 17 juin. Les attentats d'Ahvaz, Téhéran et Qom, sont les premières violences commises en Iran depuis plusieurs années. Reste à déterminer le pourquoi du tempo de ces attentats qui surviennent à un moment crucial où l'Iran s'apprête, par l'élection d'un conservateur, à fermer la parenthèse réformiste du président Khatami. De fait, les dirigeants iraniens, une fois la surprise passée, ont vite fait de pointer du doigt leur ennemi «particulier», le Grand Satan américain, et l'opposition iranienne repliée en Irak. Dans une première réaction aux attentats d'Ahvaz, les plus spectaculaires commis ces dernières années en Iran, le vice-gouverneur de la province du Khouzistan, Gholamreza Chariati, a indiqué que «ces attentats visent indéniablement l'intégrité territoriale du pays» affirmant «c'est aussi une vaine tentative pour nuire à l'élection et au régime». Faisant sans doute un lien avec les troubles survenus dans cette province du Khouzistan au mois d'avril dernier, Ahvaz ayant été le théâtre d'affrontements durant plusieurs jours entre des manifestants arabes et les forces de sécurité, les dirigeants iraniens crient au «complot» dans l'objectif, selon eux, de «saboter (l'élection) présidentielle». M.Chariati, après avoir accusé des «éléments subversifs» soutenus par des étrangers, d'être responsables des violences du week-end, a reconnu néanmoins: «Je ne peux pas dire pour l'instant qui a fait ça, une enquête des Renseignements est en cours». Quoique majoritaire au Khouzistan, et notamment dans sa capitale Ahvaz, les arabophones ne constituent en fait que quelque 3% de la population iranienne majoritairement persanophone. Notons que les bombes d'Ahvaz ont été placées devant des institutions publiques telles que la préfecture, ou devant des logements de particuliers liés au pouvoir, à l'instar de la maison du directeur de la Radio-Télévision. Ce qui est loin d'être une simple coïncidence, d'autant plus que ces attentats surviennent en pleine campagne présidentielle. Dans une déclaration à l'agence Irna, le gouverneur de la province du Khouzistan, Fatollah Moïn, a indiqué: «Nous ne sommes pas parvenus à une conclusion (...) mais ce genre de choses s'est déjà produit dans le passé, et ceux qui perpétraient de tels crimes avaient partie liée avec l'ennemi». De fait, pour l'ensemble des commentateurs iraniens, il est indubitable que ces attentats sont une atteinte à «l'intégrité territoriale (de l'Iran)» et cherchent à empêcher «un bon déroulement de la présidentielle de vendredi». A propos de la campagne présidentielle, son climat semble se détériorer à mesure que se rapproche le jour J. Ainsi, le principal favori du scrutin présidentiel, Akbar Hachemi Rafsandjani, dénonçait hier le climat, selon lui, «pourri» de la campagne, se plaignant du fait que «malgré les instructions du Guide, il s'y commet de nombreuses actions immorales, je parle de mon cas personnel, je fais l'objet des pires actes de dénigrement». Par ailleurs, mis en cause, les Moudjahidine du peuple, opposition iranienne basée en Irak, et le Front populaire et démocratique des Arabes d'Ahvaz, ont démenti hier, chacun de son côté, être responsable de ce qui se passe en Iran et nient leur implication dans les attentats de dimanche à Ahvaz et Téhéran.