La présidentielle iranienne a livré un verdict assez inattendu en portant en «finale» l'inopiné et inconnu Ahmadenijad. Pour une surprise c'en était une lors de l'élection présidentielle iranienne de vendredi qui donné un résultat jugé, avant le scrutin, invraisemblable par la quasi-victoire d'un parfait inconnu, le maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadenijad, dont l'arrivée au second tour fausse tous les calculs faits jusqu'alors. Outre d'être inconnu, même au plan local, cet ancien officier de l'armée idéologique islamique (les Pasdarans) affirme des positions assez extrêmes dans un échiquier islamiste déjà passablement décrié pour son conservatisme. Or, celui dont les sondages étaient tellement médiocres qu'on lui conseillait alors de retirer sa candidature a réussi à opérer un parfait rétablissement en opérant un retour spectaculaire et en mettant tout le monde d'accord sinon devant le fait accompli. Selon les résultats officiels publiés hier par le ministère iranien de l'Intérieur, Mahmoud Ahmadenijad talonnait de près le principal favori, l'ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani qui le devançait de peu (Akbar Hachemi Rafsandjani a réuni 6159.453 voix, 21,00%, et Mahmoud Ahmadenijad 5710.354, 19,47%). La participation, 29.317.042 votants (62,66%) pour plus de 46 millions d'inscrits a été jugée acceptable quoique légèrement inférieure au scrutin de 2001 crédité de 66% mais assez importante pour donner de la fiabilité au scrutin du 17 juin, d'autant plus que la participation constituait l'enjeu cardinal pour le régime islamiste de plus en plus chahuté par la contestation. Le dénouement assez inattendu du scrutin présidentiel indique en revanche que l'électorat iranien n'est pas aussi monolithique que l'on veut bien le faire croire et laisse la porte ouverte à toutes les options. Mais le choix en fait est assez restreint pour les Iraniens qui auront à choisir entre le moindre mal que représente le pragmatique ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani, (déjà élu à la charge suprême de 1989 à 1997) et le porte-parole des ultra-conservateurs revenus à la charge ces dernières années en paralysant l'action du président réformateur Mohamed Khatami. Ahmadenijad, qui règne d'une main de fer sur Téhéran, dont il a été élu maire en 2003, donne un aperçu de ce que sera son programme -par la mise au pas des 7,5 millions d'habitants de la capitale- s'il parvient à se faire élire lors du second tour dont la date n'était pas, hier, encore fixée. A Téhéran, M. Ahmadenijad, tout en faisant strictement observer le port du vêtement islamique a aussi fermé tous les centres culturels de Téhéran. Son leitmotiv durant la campagne a été: «Le peuple attend des fondamentalistes qu'ils le servent», entendant par là l'attachement aux valeurs de l'islamisme et de la Révolution islamique, raison d'être de la République islamique d'Iran, condamnant par ailleurs les «libéralisations» apportées par les réformes introduites par le président Khatami pour desserrer l'étau autour de l'Iran.. En tant que représentant de la branche la plus dure du régime, Mahmoud Ahmadenijad, parvient à faire passer son adversaire du second tour, M.Rafsandjani, pour un parfait libéral. Ce dernier qui, lors de la campagne électorale s'est distingué en faisant valoir la nécessité de poursuivre l'ouverture avec l'Occident et d'entamer le dialogue avec les Etats-Unis, prend à contrepied son challenger qui en revanche remet en cause les ouvertures initiées par les réformateurs avec l'étranger. «Dans le passé, les Américains ont rompu leurs relations avec l'Iran pour faire pression. S'ils veulent les rétablir, c'est pour les mêmes raisons. Nous ne souhaitons pas de telles relations imposées», dit l'invité surprise du second tour. Aussi, une victoire finale de Mahmoud Ahmadenijad est-elle appréhendée par les réformateurs et la société civile qui craignent un durcissement du régime islamique, voire l'apparition d'une forme fasciste du pouvoir. De fait, la situation induite par l'arrivée au second tour d'un extrémiste de la droite religieuse, change la donne d'un deuxième tour qui devient, dès lors, un véritable quitte ou double pour l'Iran : continuer une ouverture dans le sillage introduite par le réformateur Mohamed Khatami, avec Akbar Hachemi Rafsandjani, ou se replier sur soi avec l'ultra-conservateur Mahmoud Ahmadenijad. D'autant plus que la stature politique de M.Rafsandjani, son influence auprès du guide de la Révolution, Ali Khamenei, lui donne plus de chances que n'a pu en avoir M.Khatami, pour accomplir certaines réformes, indispensables pour l'Iran, que n'a pu mener à terme le président sortant. Toutefois, il faut sans doute attendre les positions que vont prendre les candidats malchanceux. Mohamed Baqer Qalibaf, grand vaincu du premier tour, alors qu'on lui a accordé les meilleures chances de passer, aurait déjà décidé, selon son porte-parole, qu'il n'appellerait pas à voter pour Ahmadenijad, ni sans doute pour Rafsandjani, trop «libéral» à ses yeux. Le report des voix, les alliances possibles ou probables, vont meubler les prochains jours, dans l'attente du second tour, qui sera vraisemblablement fixé pour le vendredi prochain.