«C'est parce que l'Algérie dispose encore d'une indépendance économique, qu'elle peut recourir aujourd'hui souverainement au financement interne non conventionnel.» L'opinion nationale attendait quelques détails du plan d'action du gouvernement, mais ce sont les amendements apportés à la loi sur la monnaie et le crédit qui auront été «la vedette» du Conseil des ministres présidé, hier, par le chef de l'Etat. Et pour cause, outil stratégique pour la réalisation de la feuille de route de l'Exécutif Ouyahia, le recours au financement non conventionnel de l'économie, que doit permettre l'amendement en question, s'impose comme la voie unique pour maintenir une dynamique d'investissement et de croissance. Au terme de la nouvelle mouture de la loi, la Banque d'Algérie sera autorisée «à prêter directement au Trésor public, afin de permettre à ce dernier de financer les déficits du budget de l'Etat, la dette publique interne et allouer des ressources au Fonds national de l'investissement», rapporte le communiqué du Conseil des ministres. Le Conseil des ministres souligne que ce mode de financement exceptionnel «sera instauré pour une durée de cinq années» et «sera accompagné de la mise en oeuvre d'un programme de réformes structurelles économiques et financières, destinées à rétablir l'équilibre des finances publiques ainsi que l'équilibre de la balance des paiements». Un véritable chantier que le gouvernement Ouyahia doit ouvrir au plus vite, sachant que les multiples tentatives de réformer le système financier national ont systématiquement échoué. Le caractère exceptionnel de la mesure, renforce l'obligation de passer à la vitesse supérieure dans la démarche réformatrice, même si celle-ci ne paraît pas si évidente au regard des expériences passées. Mais étant dos au mur, le gouvernement n'a d'autre choix que «trancher dans le vif», pour rétablir l'équilibre budgétaire en un temps record. Indépendance économique Le Premier ministre dispose de l'expérience de nombreux pays qui ont déjà recouru au financement non conventionnel qui «a été introduit par un certain nombre de pays développés (Japon, Etats-Unis, Royaume-Uni par exemple), pour faire face aux effets de la crise financière mondiale sur leur développement», explique le communiqué du Conseil des ministres. Il reste que le pays ne va pas de gaieté de coeur vers cette forme de financement de l'économie, sans doute pour les risques qu'il comporte. Aussi, le Conseil des ministres insiste-t-il sur le caractère temporaire de la démarche et rappelle que cette perspective intervient «après avoir résisté trois années durant, aux effets d'une crise financière sévère induite par une grave chute des prix des hydrocarbures». L'adoption de cette stratégie est surtout mue par le souci d'éviter «un arrêt (du) processus de développement économique et social». Comprendre qu'en l'état actuel des choses, les financements conventionnels sont insuffisants pour soutenir la cadence et le risque d'une récession est assez sérieux pour pousser le gouvernement à trouver d'autres ressources pour faire tourner la machine économique. Le chef de l'Etat a relevé que «si le recours au financement non conventionnel permettra au pays de continuer d'avancer, cette formule novatrice interpelle également chacun pour prendre conscience de la difficulté de la période et du sursaut que cela exige». Cela étant dit, le président de la République a tenu à préciser que «c'est parce que l'Algérie dispose encore d'une indépendance économique extérieure grâce au remboursement anticipé de sa dette et à l'accumulation des réserves de changes, qu'elle peut recourir aujourd'hui souverainement au financement interne non conventionnel pour éviter une régression de sa croissance qui serait dangereuse économiquement, mais aussi socialement». C'est dire que l'état de santé financière et économique du pays lui procure une marge confortable pour lancer cette initiative qui l'éloigne de l'endettement extérieur, tout en garantissant une croissance économique, d'ailleurs nécessaire pour la stabilité du pays. Révolution judiciaire Cet «argent frais», dont bénéficiera l'Algérie servira à dérouler le plan d'action du gouvernement qui, dans ses grandes lignes, est très proche de celui des Exécutifs précédents. On notera une volonté clairement exprimée en faveur de «la préservation de la sécurité, de la stabilité et de l'unité du pays». Il est question également dans le document présenté par Ouyahia de «consolidation de la démocratie, y compris par une bonne organisation des élections locales du mois de novembre 2017.» Le gouvernement s'engage au terme de son plan d'action à promouvoir «l'Etat de droit et de la bonne gouvernance dans tous les domaines de la vie nationale», souligne le Conseil des ministres dans son communiqué. Pour mettre des grands principes en pratique, l'Exécutif dit inscrire son action en faveur de «la promotion de l'emploi, la jeunesse et la culture. La justice sociale et la solidarité nationale, demeureront au centre de l'action du gouvernement». On aura compris que la politique sociale de l'Etat demeurera l'une des constantes de la mission de l'Exécutif. De fait, il est attendu des hausses très modérées des prix des produits administrés, à l'image de l'électricité, le gaz et les carburants. L'Etat ne touchera certainement pas au prix de la semoule, de la farine et du lait. Ces trois produits sont «symboliques» de l'action sociale de l'Etat. Même si Ouyahia avait clairement affiché sa réprobation de la politique de subvention, il est très peu probable à ce qu'il mette en place «son» système. Le plan d'action du gouvernement n'apporte donc pas de changements, sauf dans son mode de financement, à travers le recours au non conventionnel. A côté de l'amendement de la loi sur la monnaie et le crédit, l'autre «révolution» du Conseil des ministres est judiciaire. En effet, le projet de loi portant amendement du Code de l'Organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus a été adopté. «Cette révision de la loi introduit le placement des condamnés à des peines privatives de liberté, sous surveillance électronique», rapporte le communiqué, introduisant, ainsi une véritable révolution du système pénitentiaire national. La loi prévoit que «le bénéfice de ce nouveau régime passe par une demande du détenu concerné qui sera étudiée par le juge. En cas d'accord, le condamné est alors soumis au port d'un bracelet électronique pour garantir sa présence au lieu qui lui a été assigné». Cette «humanisation» de la justice aura, à n'en pas douter, un impact certain sur la société. Outre que la problématique de la surcharge des prisons sera en partie résolue, le bracelet électronique apporte une réelle opportunité au «détenu» de reconsidérer son acte et cela pourrait diminuer le phénomène de la récidive.