Après des mois de spéculations, le président américain Donald Trump devait se prononcer hier sur le sort de l'accord sur le nucléaire iranien, qu'il devrait fragiliser sans aller jusqu'à le «déchirer». Cette remise en cause, au moins partielle, de l'avancée emblématique de son prédécesseur Barack Obama pour empêcher l'Iran de se doter de la bombe atomique sera scrutée avec attention à Washington comme à travers le monde. Elle s'annonce comme l'une des décisions les plus controversées de la présidence du magnat de l'immobilier arrivé au pouvoir il y a neuf mois sans la moindre expérience politique, diplomatique ou militaire. Donald Trump est, de fait, très isolé sur ce dossier: Téhéran bien sûr, mais aussi tous les autres signataires de ce texte historique - Moscou, Pékin, Paris, Londres et Berlin - ont mis en garde contre un retour en arrière aux conséquences imprévisibles. S'il ne devrait pas se retirer de cet accord conclu en juillet 2015 par l'Iran et le Groupe des Six, le 45e président américain pourrait ouvrir une période de grande incertitude en refusant de «certifier» le fait que Téhéran respecte ses engagements, en dépit des assurances en ce sens de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Une «non-certification» enverrait la balle dans le camp du Congrès américain: les parlementaires auraient alors 60 jours pour décider de ré-imposer, ou non, les sanctions levées depuis 2015. Un retour des sanctions signerait clairement la mort de cet accord âprement négocié. Mais d'autres scénarios sont possibles, d'autant que plusieurs membres de l'administration Trump, au premier rang desquels le général Jim Mattis, chef du Pentagone, ont affirmé que le texte était dans l'intérêt de la sécurité nationale des Etats-Unis. Que vont faire les élus américains? «C'est notre inquiétude», reconnaît un diplomate occidental, pressant les sénateurs de trouver un «compromis pour ne pas tuer l'accord». Les détracteurs de l'accord espèrent que cette phase permettra de convaincre les Européens de le renégocier pour le rendre plus strict encore. Mais la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, dont les entreprises ont commencé à réinvestir le marché iranien, ont écarté toute possibilité de rouvrir les débats sur le texte lui-même. La réaction de l'Iran sera aussi scrutée attentivement. «Si les Etats-Unis prennent une position hostile à l'égard d'un accord international», «ils ne s'opposeront pas seulement à l'Iran mais au monde entier», a assuré le président iranien Hassan Rohani. Si Téhéran et Washington ont rompu leurs relations diplomatiques en 1980, au lendemain de la révolution islamique de 1979, la fin de la présidence Obama avait marqué le début d'une évolution. Peu après sa signature, le président démocrate avait jugé que cet accord donnait «une chance d'aller dans une nouvelle direction». Mais depuis son installation à la Maison- Blanche le 20 janvier, Donald Trump a donné un net coup de barre. Il n'a eu de cesse de durcir encore le ton face à Téhéran, pour le plaisir des monarchies du Golfe qui redoutent l'influence de leur grand rival chiite. Et le président américain semble déterminé à gommer une distinction faite par son prédécesseur: négocier sur le nucléaire d'un côté, dénoncer les activités «déstabilisatrices» de l'autre (soutien au régime Assad en Syrie, au Hezbollah au Liban, ou encore aux Houthis au Yémen). «L'inquiétante politique étrangère de l'Iran est précisément la raison pour laquelle l'accord était nécessaire», souligne Wendy Sherman, principale négociatrice américaine du texte sous l'ère Obama.