Plus que jamais, se pose avec acuité la question de savoir ce qui se passe réellement en Arabie saoudite. Il existe tout un faisceau de paramètres qui indique que la lutte anti-corruption engagée par le prince héritier, Mohammed ben Salmane, a d'autres variables que celles qui lui sont attribuées ou que l'on veut induire comme telles. En fait, il y a là une sorte d'affaire gigogne, enfermant plusieurs sous le même générique. L'arrestation «spectaculaire» de princes, de hauts notables du royaume - même la «démission» du Premier ministre libanais - entre en compte dans cet imbroglio saoudien, aggravé par la crise - entretenue à dessein par Riyadh - entre le Royaume wahhabite et l'Iran. Crise qui loin d'être à connotation religieuse - sunnites contre chiites - comme le font croire d'aucuns et singulièrement les médias occidentaux. Il y a certes, une lutte acharnée pour le leadership entre les deux «géants» du Golfe, avec en toile de fond, Qatif, enclave chiite en ébullition dans l'est de l'Arabie saoudite. C'est dans cette région que se trouvent les immenses gisements d'hydrocarbures saoudiens avec une dizaine d'oléoducs fournissant les immenses terminaux pétroliers de Ras Tanura et Dharan. Qatif est donc une véritable bombe à retardement pour le pouvoir saoudien. Il suffirait que l'opposition chiite détruise ces terminaux, qui traversent ses territoires, pour qu'il y ait un bouleversement cyclonal des prix du pétrole. C'est dire combien Riyadh joue avec le feu en y mettant plusieurs fers à la fois. C'est donc bien à une lutte géopolitique que se livrent Saoudiens et Iraniens qui n'a rien à voir avec un prétendu contentieux religieux. Cela d'autant plus que le plan israélo-américain de morcellement du Moyen-Orient «élargi» prévoit également la balkanisation de l'Arabie saoudite et de l'Iran. La donne est donc nettement plus complexe que ce que l'on tente de faire accroire. A cela, s'ajoute l'engagement de l'Arabie saoudite au Yémen, où elle mène une guerre contre les Houthis depuis mars 2015, outre ses manoeuvres de déstabilisation de la Syrie et du Liban. C'est dans ce contexte particulier que le prince héritier, Mohammed ben Salmane, décide d'attaquer sur deux fronts: éliminer les adversaires politiques intérieurs, princiers et notables, qui pourraient contester sa position de nouvel homme fort du royaume, d'une part; provoquer l'Iran pour détourner les regards de ce qui se passe réellement en Arabie saoudite où s'est engagée une grave lutte pour la succession, d'autre part. Si le fonctionnement des monarchies du Golfe est complexe, le mode de succession des Al Saoud l'est encore davantage où existe une hiérarchisation de l'accession au trône wahhabite au regard de la pléthore d'héritiers qu'avait laissés Abdelaziz ibn Saoud (plus de 65 héritiers directs issus de 28 épouses et plus d'une centaine de petits-fils). Ce sont les aînés des frères et demi-frères qui montent au trône à la disparition du roi selon un organigramme très complexe. Conséquence: en Arabie saoudite, les héritiers accèdent au trône relativement vieux. L'actuel roi, Salmane, a remplacé son demi-frère Abdallah, en janvier 2015, à l'âge de 81 ans, après l'élimination de Moukrine le premier prince héritier qui devait succéder à Abdallah. C'est dire que Mohammed ben Salmane, brûle les étapes en rompant avec l'organisation traditionnelle de la succession au trône que son père avait entamée, brisant la lignée d'héritage en désignant son fils comme premier héritier au trône des Al Saoud. Parmi les princes arrêtés, plusieurs figurent au premier plan des potentiels héritiers du trône saoudien. Le coup du Palais n'a pas encore révélé toutes ses ramifications et les finalités qui le portent. Les sources officielles saoudiennes indiquent que 200 personnalités ont été arrêtées. Or, selon diverses sources, plus de 1300 personnes (entre princes, notables et militaires) ont été arrêtées dans la nuit du 4 novembre dernier. En fait, la crise «royale» de Riyadh n'a pas encore livré ses vrais objectifs. Wait and see!