Pourquoi Molenbeek, commune de Belgique, a-t-elle nourri le djihadisme? C'est ce à quoi ont tenté de répondre les deux réalisateurs Chergui Kharoubi et José-Luis Penafuerte. La salle El Mouggar a abrité samedi dernier, en début d'après-midi un documentaire belge de Chergui Kharoubi et José-Luis Penafuerte. Le film intitulé Melbeek, génération radicale? a pour cadre Molenbeek, une commune pauvre de Belgique qui a vu grandir nombre d'auteurs d'attentats islamistes qui ont marqué l'actualité depuis trente ans. Pourquoi Molenbeek a-t-elle nourri le djihadisme? Comment jeunes et vieux, parents meurtris et écoliers, imam et curé, travailleurs sociaux et artistiques vivaient- ils ces événements? Pas facile. Alors que les réalisateurs finissaient de tourner leur film, un attentat venait encore de se perpétuer à Bruxelles faisant des morts et de nombreux blessés. En effet, c'est au lendemain des attaques du 13 novembre 2015, dont quatre des responsables étaient des enfants du quartier, que Molenbeek a fait parler d'elle sur un plan international jetant le discrédit sur toute la communauté... Le tournage de ce documentaire avait déjà commencé et ses auteurs étaient sur place donc quand Salah Abdeslam a été arrêté, le 18 mars 2016. Quatre jours plus tard de nouveaux attentats ont ensanglanté Bruxelles. Imbroglio djihadiste Le film prend d'un coup tout son sens et à l'image des gens des banlieues des quartiers défavorisés en France, ce documentaire se voudra rappeler combien est facile la stigmatisation collective des communautés maghrébines de confession musulmane. Les deux réalisateurs ne s'avouant pas vaincus, tenteront de démêler l'écheveau de cet imbroglio djihadiste en dressant le portrait sensible de cette communauté qui, bien que marginale, n'est pas si différente que celle de tout autre quartier où des gens vivent, s'amusent, parlent, jouent, chantent... Aux côtés d'un metteur en scène, un éducateur, un ancien djihadiste pakistanais revenu de Guantanamo, des écoliers, vifs et intelligents, un imam tolérant, un ancien policier qui met en garde contre l'endoctrinement dans les mosquées, des parents soucieux de l'avenir de leur enfant qui incitent au suivi de leur progéniture, l'éducation semble être le mot d'ordre pour ne pas voir son enfant dévier et tomber vite dans les mains du djihadisme islamiste, dans la haine et la spirale de la violence. D'aucuns déclarent que c'est soit l'argent, la drogue ou l'enrôlement dans les camps djihadistes comme certains rentrent dans l'armée. Les deux réalisateurs donnent la parole aux gens simples de ce quartier. Qu'il soit barbier, policier en retraite, mère au foyer, directrice d'association, éducateur, la générosité de l'intention est palpable mais l'écart générationnel est bien mis en évidence comme le dit cette maman: «Ce pays nous a accueillis et nous a donné tout quand on est venus sans rien. Il n'y avait ni mosquée ni resto halal alors qu'aujourd'hui les jeunes veulent autre chose.» Mais quoi? «Gagner sans doute beaucoup d'argent quand les modèles ou héros viennent à manquer, nonobstant les footballeurs qui eux gagnent pourtant des milliards», répondra un autre. Alors «ils se font embrigader facilement quand ils ignorent leur langue maternelle et leur religion», fera entendre un autre témoignage. Tourné avec l'argent de la télé pour la télé au départ, ce film un peu pédagogique, au style épuré carré est composé d'une multitude de témoignages, filmés soit en intérieur ou en extérieur en pleine ville. Les explications sont éparses, le terrain est concret, le film ne prétend pas donner une réponse socio-psychologique toute faite, mais tente néanmoins de comprendre le malaise qui étrangle ce nouveau siècle. Money, money! Comme on peut l'entendre dans le film de Houda Benyamina, Divines!, il y a ceux qui combattent pour l'argent et d'autres pour atteindre le paradis quand ils sont dépourvus de foi, de loi ou de savoir. Facilement influençables ils sont enrôlés pour partir faire le djihad en Syrie. Pourquoi Molenbeek exactement? Nul ne le sait, si ce n'est cette réponse énigmatique de cet éducateur: «On était tranquille, c'est comme si on a fait exprès justement car tout se passait très bien ici...» Une fiction cette fois est le film Ciel rouge de Philippe Lorelle, projeté en soirée à la salle El Mouggar. Philipe Lorelle pour info, a signé l'écriture de cinq films de Rachid Bouchareb. Avec ce long métrage sur la guerre du Vietnam, il vient de passer le cap de la première réalisation. Nous sommes au Vietnam en l'année 1946. Philippe s'est engagé pour pacifier un pays inconnu fait de forêts denses et de montagnes spectaculaires. Ses idéaux s'effondrent lorsqu'il comprend qu'il doit torturer et tuer une jeune vietminh qui lutte pour son indépendance. Il décide de fuir avec elle dans un voyage imprévisible au coeur de la jungle. Livrés à eux-mêmes, ils découvriront qui ils sont. Un sujet saisissant Ce film est l'histoire de leur amour, dit le synopsis. Au milieu de cette nature luxuriante où la beauté minimaliste et sauvage de la nature est à couper le souffle, vont se confronter les natures humaines de ces deux êtres comme jetés, là, au beau milieu de ce no man's land pour échanger, tenter de se comprendre, cracher chacun sa colère, ses envies, ses peurs et ses espoirs, se disputer, parfois, s'aimer, se rejeter, s'accepter même, mais se retrouver en pleine logique de guerre qui ne donne pas de cadeau. Deux êtres qui se verront grandis après avoir tenté de résister chacun individuellement puis collectivement à leurs démons intérieurs et ennemis extérieurs aussi... Un sujet saisissant, truffé de symbolique romantique qui aurait pu marcher n'était-ce la mauvaise qualité technique qui rendait le film par endroit bien mauvais, au niveau du cadrage et ses faux raccords. Si l'aspect contemplatif et la lenteur du temps ne sont pas pour déranger, la redondance un peu trop appuyée de ces plans vides de sens finissent par endormir le spectateur de par un rythme bien plat qui n'arrive pas à tenir ses promesses malgré ces quelques envolées lyriques, ou poétiques de l'image. En gros, en dépit de ses instants de fulgurance, le film peinera à s'élever au rang d'un bon film de cinéma. Fort dommage.