Le président de l'association Adem des maladies rares Le mot rare n'est que l'expression d'une fréquence et ne souligne pas assez la gravité de ces affections. Par maladie rare ou orpheline, on entend toute affection survenant peu fréquemment ou rarement dans une population générale. Elle concerne ainsi un nombre limité de patients, le seuil conventionnellement admis pour une affection donnée est de moins une personne sur 2000 habitants. Sur les 7 à 8000 maladies rares, seules environ 300 sont bien codifiées. Elles sont le plus souvent génétiques, c'est-à-dire portées par les chromosomes, siège des mutations héritées des parents... Elles sont toutes graves, invalidantes, génératrices de handicap et souvent de décès récurrents chez des jeunes couples plongés dans l'amertume et la douleur.. Le mot rare n'est que l'expression d'une fréquence et ne souligne pas assez la gravité de ces affections. A mes yeux, cette terminologie place faussement une distance rassurante et ne fait pas apparaître la gravité potentielle de ces maladies. Il n'est pas assez dit que de toutes ces affections d'énormes progrès ont été réalisés dans le diagnostic, le traitement, l'insertion etc...), mais nombreuses sont celles qui restent sans nom et sans traitement spécifique. Si ces maladies étaient appelées «maladies graves qui tuent lentement votre enfant et dont personne ne s'inquiète» l'opinion publique changerait d'avis et serait plus consciente, mais porter un nom sur une maladie rare n'est pas toujours aisé et un temps assez long (souvent des mois et même des années!!!) d'errance et d'erreurs diagnostiques marqueront à jamais la vie de ceux qui en souffrent. Au terme de cette première séquence (celle de la recherche du diagnostic) où se mêlent espoir et épuisement (moral, physique, financier) puis rebondissement, il n'est pas certain qu'il existe un traitement curatif: le patient, la famille et le professionnel doivent le savoir et le partager. Le mot «guérissable» dans cette catégorie de maladies avec des évolutions incertaines et capricieuses me paraît inapproprié. Heureusement, grâce à la recherche des traitements pharmacologiques (telle que l'enzymothérapie de substitution et médicamenteux comme dans la tyrosinémie hépato-rénale) et/ou diététiques (de nombreuses maladies répondent très bien à des régimes thérapeutiques particulier d'exclusion comme dans la phénylcétonurie et la tyrosinémie) et surtout grâce au diagnostic précoce par le dépistage néonatal qui tarde à se mettre en place dans notre pays. La vie de ces patients a radicalement changé puisqu'ils ont droit à la vie. 8 maladies rares sur 10 sont génétiques Avec les thérapies innovantes telles que la greffe d'organes, de cellules souches ou la thérapie génique alternative déjà d'actualité, les professionnels fondent beaucoup d'espoir et ceux qui en souffrent une vie meilleure. C'est dire tout l'intérêt d'une reconnaissance précoce des maladies rares curables par un traitement spécifique validé: c'est la malfaisance du temps qui passe. Huit maladies rares sur 10 sont génétiques, c'est-à-dire portées par des chromosomes et en rapport avec des modifications moléculaires dites mutations) de sites particuliers appelés gênes. Présentes au niveau de toutes les cellules, l'expression clinique de ces mutations est polymorphe et peut dérouter tout professionnel de santé car tous les organes (et les fonctions d'organes) peuvent en souffrir et la maladie peut revêtir tous les aspects en touchant le cerveau, les différents métabolismes, le coeur, le squelette, l'oeil, le muscle... Nous commençons à mieux connaître les symptômes de ces maladies au cours de la vie foetale. Enfin, il faut souligner avec la plus grande force que l'endogamie (proximité du lien du mariage ou consanguinité) amplifie considérablement la survenue de ces maladies. Toutes les tranches d'âge peuvent être touchées. Ces maladies peuvent s'exprimer très tôt dans la vie chez le foetus (échographie anténatale, analyses), mais la médecine adulte aussi décrit de plus en plus de maladies rares prises pour toute autre chose (affection neurologique, psychiatrique, endocrinienne, digestive, rénale) pendant de longues années. Aussi, de manière générale il faut savoir que l'enfance est la période où 75% des maladies rares vont s'exprimer avec un intervalle libre plus ou moins long: c'est celle où nous devons peser pour faire le diagnostic le plus vraisemblable pour mettre en route un traitement approprié (s'il existe) et envisager un pronostic. Ces maladies sont mortelles avant l'âge de 1 an dans 35% si elles ne sont prises en charge. Les maladies «rares» dites aussi orphelines existent depuis longtemps dans toutes les sociétés, y compris la nôtre, mais c'est leur concept qui a évolué. Nous comprenons mieux leurs mécanismes, mais de nombreuse zones d'ombre persistent que la recherche d'aujourd'hui essaiera d'élucider et transformera en thérapie demain sans nul doute. Malheureusement, en Algérie, ceux qui en souffrent sont dans une solitude extrême et un isolement désespérant en raison du peu de crédit accordé tant par la communauté scientifique que par les pouvoirs publics à leur reconnaissance. Elles n'apparaissent pas comme une priorité dé santé publique ou un défi d'une société équitable, solidaire, évoluée, contemporaine. Les patients et leurs familles ont peu d'écoute à leur drame financier, médical, social, familial, éducatif. Les maladies rares restent encore dans mon pays du domaine dit «de la recherche» et même lorsqu'elles sont bien identifiées le parcours des soins est complexe, compliqué, flou car non identifié. La cyberinformation a rendu nos concitoyens (tant mieux!!) exigeants car évolués et informés des dernières innovations. Pour apaiser sa conscience, le citoyen a un seul objectif devant ces redoutables affections: mettre un nom sur cette «bête immonde» qui détruit non seulement sa famille, mais aussi sa vie dans tous ses aspects. Faute de parcours balisé il part en quête d'information la plus précise possible, source d'espérance et c'est humain. Appartenant à une société en pleine mutation démographique et sociale, il engage le combat dit de la reconnaissance où celui qui en souffre devient un élément actif aux côtés de tous les autres acteurs impliqués dans la recherche de solutions durables et au moins humaines. Malheureusement, ce n'est pas le cas aujourd'hui où les décisions sont prises pour lui et en son absence. Les associations de patients sont peu ou pas du tout représentées au sein des institutions (caisses d'assurances sociales, ministères, formation professionnelle et surtout les comités d'experts) que la loi pourra faire inscrire. Beaucoup de chemin reste à parcourir L'absence de centres de référence et de compétences dédiés au diagnostic, de traitement, et de suivi de telles affections, l'insuffisance dans la formation des professionnels de santé à tous les niveaux (avec de nouvelles spécialités telles que la génétique ou la nutrition thérapeutique), l'absence cruelle de l'information (pas seulement médicale) entre les différents acteurs, la faiblesse des ressources financières allouées, bref l'absence d'une stratégie nationale pensée, écrite, diffusée, évaluée de ces maladies complexes va aggraver le chagrin et le désespoir des familles. Il est indéniable que beaucoup de choses ont été faites en direction de ceux qui souffrent de maladies rares au cours des 10 dernières années en Algérie par la mise à leur disposition de produits pharmaceutiques sur le Trésor public (arrêté du 6 décembre 2013). Malheureusement, les produits diététiques thérapeutiques indispensables ne figurent pas dans la nomenclature pharmaceutique comme un médicament. Comment faire nourrir un enfant lorsqu'il est soumis à un régime strict d'exclusion de viande, de lait et de tous les dérivés sous peine d'aggraver sa situation nécessitant alors un traitement très onéreux et pas disponible en Algérie (greffe de foie, de rein). Nous sommes conscients que beaucoup de chemin reste à parcourir pour un diagnostic clinique et biologique précoce et précis afin d'espérer une stabilisation ou mieux une régression de la maladie. Malheureusement, nous continuons à observer des retards de diagnostic, de pronostic erroné, de difficultés d'accès à des examens biologiques onéreux (surtout génétiques) inexistants pour la grande majorité en Algérie. Le recours à des laboratoires étrangers est une alternative douteuse, discutable (conditions d'acheminement), non réglementée (passage transfrontalier de produits humains), éthiquement discutable (enrichissement de banques étrangères de données), alors qu'il existe des potentialités humaines indiscutables sur le plan des compétences, mais ignorées, sous-exploitées ou mal organisées (c'est la gestion destructrice par la pensée unique!). Ces maladies rares sont sources de drames socioprofessionnels.Elles ne bénéficient d'aucune orientation structurée ni à l'échelle locale ni régionale ou nationale pour fédérer toutes les actions synergiques pour un diagnostic précis et précoce. La faiblesse des connaissances scientifiques dans ce domaine très complexe, l'absence de l'obligation du partage de l'information (verticale et horizontale), l'inexistence de la mutualisation des moyens (des équipements similaires et non complémentaires dans des unités, c'est le comportement du chacun pour soi!!), l'absence de l'obligation de résultats sur la base d'un cahier des charges précis, le retard manifeste de l'enregistrement des produits pharmaceutiques orphelins (d'où les surcoûts dans les négociations des prix) et des produits thérapeutiques à des fins médicales plongent les parents, les patients dans une précarité désespérante. Les familles s'appauvrissent en multipliant les consultations, les investigations et les caisses de couverture sociale (toutes branches) au sein desquelles les patients ne sont pas du tout représentés, ne sont pas hélas en phase (reconnaissance du handicap, de longue maladie, congé pour accompagnateur etc.) Elles sont gagnées par un sentiment d'injustice devant l'inégalité des chances de prise en charge d'une ville à l'autre et parfois d'un hôpital à un autre dans la même ville. Ce qui génère des déplacements de familles entières dans des régions non préparées à les accueillir car pas de structure d'hébergement. L'absence de pôles de référence et de compétence pour le diagnostic et la prise en charge de telles affections reste un écueil à surmonter pour offrir des soins de qualité. Enfin, l'absence d'une stratégie nationale à travers un plan national interdisciplinaire pour les maladies rares laisse soignants et soignés dans une situation où l'improvisation devient la règle. A travers une politique nationale réfléchie où des experts connus et reconnus travailleront toujours aux côtés des associations de malades, où des protocoles nationaux seront rédigés, validés,diffusés et évalués (évaluation scientifique et économique). Il est regrettable qu'en l'absence d'un registre national de déclaration de ces maladies nous ne pouvons que vous décrire l'ampleur du problème à travers les pays où cette méthode est de règle: c'est ainsi que l'on peut dire que 6 à 8% de la population mondiale est touchée par ces redoutables maladies. Les maladies sont rares, mais les patients sont nombreux. Ils représentent 27 millions aux USA, 30 millions en Europe (soit l'équivalent de la population du Luxembourg, de la Belgique et des Pays-Bas réunis!), 4 millions en France (soit 3 à 4% des naissances). L'impact des maladies rares dans le monde dépasse le cancer et l'Aids réunis: 500 millions en souffrent, soit l'équivalent d'une population juste devant celle des USA (300 millions) et derrière la Chine (1500 millions) ou l'Inde (1400 millions). Nous regrettons l'absence d'un recensement exhaustif en Algérie, démarche indispensable aux professionnels de santé et aux politiques publiques. Faute de recensement précis il n'y a pas de données épidémiologiques. Parmi les maladies rares les plus fréquemment retrouvées on peut citer la mucoviscidose, la thalassémie, la drépanocytose, les maladies neuromusculaires, les maladies de la peau, la phénylcétonurie,la tyrosinémie, les maladies lysosomales, les déficits immunitaires. Entre 2006 et 2014 selon le seul centre d'exploration à Alger, le nombre de maladies rares est passé de 14 à 63 et les patients de 3000 à 11.144. Cette explosion des maladies rares qui a inéluctablement une incidence financière, puisqu'on est passé de 2 milliards (2007) à 18 milliards (2013), nous oblige à trouver d'autres sources pérennes de financement pour éviter l'abandon des soins. [email protected]