Un tribunal d'appel a rejeté lundi soir un recours présenté par l'ex-chef de l'Etat brésilien Lula, dont le combat pour rester libre et éligible pour la présidentielle d'octobre malgré une lourde condamnation à la prison apparaît très compromis. Cette décision rapproche Luiz Inacio Lula da Silva de la prison, à quelque sept mois d'un scrutin pour lequel, en dépit de sa condamnation à une peine de 12 ans et un mois d'incarcération, il reste le grand favori. Elle signifie en effet que si la Cour suprême refuse à Lula, dans les semaines à venir, le droit de rester libre en attendant que tous les recours contre sa condamnation à la prison pour corruption passive et blanchiment soient épuisés, il pourra être emprisonné. Les avocats de Lula avaient déposé diverses demandes d'éclaircissements sur des points techniques après la confirmation en appel en janvier par ce même tribunal de Porto Alegre (sud) de la condamnation de l'ex-président. Le tribunal avait même alourdi la peine. Les trois juges ont voté lundi à l'unanimité le rejet du recours du chef de la gauche brésilienne, âgé de 72 ans, a annoncé l'agence officielle Agencia Brasil. Lula a été condamné pour avoir accepté un triplex en bord de mer de la part d'une entreprise de BTP impliquée dans le gigantesque scandale autour du groupe public Petrobras. Ce qu'il a toujours farouchement nié, invoquant l'absence de preuves. En fin de semaine dernière, la Cour suprême a apporté une bouffée d'oxygène inattendue à Lula en décidant que celui-ci ne pourrait pas être incarcéré, au plus tôt, avant sa prochaine session début avril, après les vacances de Pâques. La Cour suprême a ainsi mécaniquement empêché que Lula puisse être emprisonné dans la foulée du rejet de son recours par les juges du tribunal de Porto Alegre ce lundi, comme il en était directement menacé. La Cour se réunira le 4 avril, et soit elle tranchera, soit elle ajournera encore sa décision. Mais si la juridiction suprême décide de refuser à Lula une mesure «d'habeas corpus» qui lui garantirait de rester libre tant que tous les autres recours contre sa condamnation n'auront pas été épuisés, il sera alors aux portes de la prison. Par ailleurs, dans ce dossier très technique, Lula pourrait - en principe - être déclaré inéligible après son revers en justice lundi devant un tribunal de deuxième instance. Mais les juristes divergent sur l'interprétation de la loi dans ce domaine et cette question pourrait donner lieu à une autre longue bataille juridique. In fine, le sort de Lula et de sa candidature devrait être déterminé par la justice électorale, au mois d'août seulement. Ainsi plus l'incertitude autour de la situation de Lula est grande, plus s'épaissit le brouillard entourant la présidentielle du plus grand pays d'Amérique latine. Des médias brésiliens prêtent à l'ancien leader syndicaliste l'intention de mener sa campagne le plus loin possible dans le temps - y compris depuis une cellule de prison - afin de maximiser les effets de ce qu'il estime être un «complot» ourdi par «les élites» pour l'empêcher de se représenter à un 3e mandat. Lula a réaffirmé sa détermination lundi lors d'un meeting à Foz de Iguaçu, dans le sud du Brésil. «M'arrêter pour m'enlever des rues? Je serai dans les rues à travers vous», a lancé l'ancien président à ses partisans. Maintenant plus que jamais, je veux être candidat à la présidence de la République». Si son inéligibilité était définitivement confirmée, Lula endosserait à la dernière minute un autre candidat de son parti de gauche, le Parti des travailleurs (PT), prédisent les médias. Mais il en est l'incontestable figure de proue et aucun autre responsable du PT n'est à même de rallier autant de suffrages que Lula. Celui qui a déjà dirigé le Brésil de 2003 à 2010 est largement en tête des intentions de vote, autour de 35%, tout en restant un personnage très clivant pour les Brésiliens. Dilma Rousseff, qui a succédé à Lula à la présidence avant d'être destituée en 2011 pour maquillage des comptes, a qualifié lundi ces attaques de «très graves» et a dit craindre «un bain de sang» contre les militants du PT dans la suite de la campagne.