Le jugement en appel de l'ex-président brésilien Lula a débuté mercredi, trois juges étant chargés de trancher sur une condamnation à près de dix ans de prison pour corruption qui pourrait lui barrer la route de la présidentielle dont il est le grand favori. Un Brésil très polarisé retenait son souffle en attendant cette décision cruciale pour l'avenir du pays, qui tient ses élections générales en octobre. Des milliers de sympathisants de Luiz Inacio da Silva, figure politique emblématique, mais aussi ses ennemis farouches, ont convergé vers cette ville du Sud, dans une ambiance tendue qui laisse redouter des affrontements. La tension était palpable dès les premières heures de la journée. Le quartier du tribunal, situé au coeur d'un parc, a été totalement bouclé alors que des hélicoptères survolaient la zone. À environ un kilomètre de là, des militants pro-Lula campaient sur une immense pelouse. L'Etat de Rio Grande do Sul, dont Porto Alegre est la capitale, a mobilisé d'importantes forces de maintien de l'ordre et des hélicoptères autour du procès, suivi par quelque 300 journalistes, brésiliens et étrangers. En confirmant -- option la plus probable -- ou en infirmant la condamnation à neuf ans et demi de prison pour corruption passive et blanchiment de Lula, la cour d'appel va de fait battre les cartes de la présidentielle d'octobre au Brésil. Les nombreux recours possibles font que la situation de l'icône de la gauche pourrait ne pas être clarifiée avant de longs mois, laissant planer longtemps encore le flou qui entoure l'élection la plus incertaine au Brésil depuis le retour de la démocratie en 1985.
'La tranquillité des innocents' "La cour d'appel va probablement confirmer la condamnation" de Lula, a écrit l'Eurasia Group, "et Lula sera sans doute disqualifié par des décisions finales des cours suprême et électorale, mais certainement à une date plus proche de l'élection" d'octobre. Toujours pugnace, Lula a fait le déplacement mardi soir à Porto Alegre, défilant à la tête de ses sympathisants vêtus de rouge amenés par autocars entiers. Il attendra le jugement chez lui à Sao Paulo. "J'ai la tranquillité des innocents, de ceux qui n'ont commis aucun crime", a-t-il lancé à Porto Alegre. Mais les militants du Parti des Travailleurs (PT) de Lula et d'autres organisations de gauche vont faire face dans les rues de Porto Alegre aux anti-Lula, qui ont déjà manifesté mardi soir à Sao Paulo. Ces derniers mois, ils ont émaillé les apparitions publiques de l'ex-président des cris de "voleur!" tout en exhibant des poupées de chiffon représentant Lula en habit de prisonnier.
Condamnation choc Le Tribunal régional fédéral (TRF4) chargé des cas de corruption autour du groupe pétrolier public Petrobras n'a relaxé que moins de 5% des 113 personnes condamnées par le juge Sergio Moro, héraut de l'enquête tentaculaire "Lavage express", selon l'hebdomadaire Veja. C'est ce juge -- ennemi juré de Lula -- qui avait prononcé en juillet 2017 sa condamnation choc, puis saisi ses biens, après l'avoir accusé d'avoir reçu un triplex en échange de l'attribution de marchés publics de Petrobras lors de sa présidence (2003-2010). L'ancien ouvrier métallurgiste avait dénoncé un "pacte diabolique" pour l'empêcher de se représenter. Lula jouit toujours d'un fort soutien parmi les populations défavorisées ayant bénéficié de sa politique de redistribution lors de ses deux mandats. Mais il est aussi détesté par une partie des Brésiliens qui souhaitent sa déroute. Tout comme les marchés boursiers. Certains ont relevé que la justice brésilienne avait fait montre d'une célérité inhabituelle dans la procédure visant Lula et que les preuves contre lui, qui reposent sur une délation, étaient bien minces. D'autres, à commencer par Lula lui-même, ont estimé qu'une inéligibilité en ferait un héros dans un Brésil déboussolé et sans leader. Le dernier sondage Datafolha donne à Lula 34% des intentions de vote, loin devant le député d'ultra-droite Jair Bolsonaro, à 17%.