Le colonel El Habiri à la manoeuvre Durant toute la semaine, la wilaya de Bouira a été la capitale mondiale de la Protection civile avec l'organisation d'un exercice algéro- européen de simulation d'un méga-séisme. Plus de 1000 pompiers venus de cinq pays européens, en plus de l'Algérie et de la Tunisie, ont participé à ces manoeuvres qui ont coûté plus d'un million d'euros. On était présent et on vous raconte tout cela comme si vous y étiez. Appréciez-plutôt... Un méga-séisme, des habitations tombées comme des châteaux de cartes, des citoyens pris au piège, un barrage sur le point de rompre, un accident chimique imminent...C'est le décor apocalyptique dans lequel est plongée depuis samedi dernier la wilaya de Bouira. Ne vous inquiétez pas, vous n'avez pas raté un épisode, mais il s'agit de la simulation d'un méga-séisme dans cette wilaya située à 100 km à l'est d'Alger. En effet, l'Union européenne et la Protection civile algérienne ont décidé de faire de Thouvirets (le nom berbère de cette wilaya, ndlr) la capitale mondiale de la Protection civile! Plus de 1000 pompiers venus de cinq pays européens, en plus de l'Algérie et la Tunisie, ont participé à ces manoeuvres qui ont coûté plus d'un million d'euros. «Entièrement payé par l'Union européenne», comme l'a fièrement souligné le directeur général de la Protection civile algérienne, le colonel El Habiri, qui a remercié au passage l'UE pour ce financement. Ainsi, un scénario du pire a été mis en place afin que nos pompiers soient préparés de la meilleure des façons possibles pour faire face à toute catastrophe naturelle. Tout commence donc par le déclenchement d'un faux séisme de magnitude 7 sur l'échelle ouverte de Richter. Une véritable catastrophe s'ensuivit. Le wali de Bouira, Mustapha Limani, qui a très bien joué le jeu, met alors en place une cellule de crise! Il convoque les directeurs locaux de tous les secteurs pour faire une constatation générale du désastre. Entre-temps, les pompiers de Bouira sont déjà sur place pour prêter main forte à la population en détresse. Comme en 2003 à Boumerdès ou en 1980 à Al Asnam(Chlef), survivants et pompiers travaillent main dans la main pour venir en aide aux blessés, retrouver des survivants... Ils sont vite dépassés. La cellule de crise appelle donc le Centre national de coordination de la direction générale de la Protection civile (Cenac) pour envoyer des renforts. Dans les heures qui suivirent, des pompiers supplémentaires arrivent des quatre coins du pays, notamment les wilayas limitrophes qui ne sont pas touchées par ce séisme. Mais eux aussi constatent vite qu'ils ne pourront seuls faire face aux dégâts de ce tremblement de terre dévastateur. Le colonel El Habiri prend de suite ses responsabilités. Il explique en haut lieu qu'il faut faire appel aux aides internationales. L'Union européenne est la première contactée. Car, durant plus d'une année la Protection civile est son partenaire. Un réseau européen de la Protection civile pour l'assistance internationale existe. L'Algérie y est inscrite à la faveur de ces accords. Un appel d'urgence est envoyé à travers le réseau international (Osoc). Algériens et Européens ensemble pour le même combat! Les pays membres de ce réseau se sont inscrits pour proposer leur aide à la Protection civile algérienne. Grâce au constat fait sur le terrain par la cellule de crise, le Cenac connaît les besoins. Il sélectionne alors les équipes internationales selon ses besoins, mais aussi d'après leur proximité, c'est-à-dire, la rapidité avec laquelle ils arriveront. L'Algérie a fait alors appel à cinq pays européens: Espagne, Portugal, France, Italie et Pologne. La Tunisie, pays voisin, se propose également. 24h après le séisme, elles arrivent par ciel, terre et mer... Tout est déjà coordonné avec le Cenac qui dépêche les équipes chargées de leur attente pour les conduire sur les lieux du sinistre. Une simulation, mais de vraies interventions! Les pompiers français sont les premiers arrivés. Ils plantent de suite leur campement, tout en préparant l'arrivée des autres pays, comme cela est d'usage, puisque le premier arrivé est chargé de cette mission en plus de ses missions de secours. Le chef de commandement des pompiers français prend alors le commandement de l'aide internationale. Le contrôleur général Philippe Nardin assure donc la coordination aux côtés du commandement algérien. Il installe une cellule de suivi. Toutes les données nécessaires lui sont fournies afin qu'il mette en place un plan de «bataille». Son adjoint prend le commandement de la délégation française qui a dépêché plus de 180 hommes et fourni des moyens techniques importants: les formations militaires de la sécurité civile (Formisc), les équipes de recherche et de sauvetage en zone urbaine dotées d'équipes cynophiles (Husar et Musar), un module tactique de communication, mais surtout un hôpital de campagne qui permet de prendre en charge sur place de grands blessés, où même des opérations chirurgicales peuvent être effectuées en toute sécurité. Le reste de la délégation internationale arrive quelques heures plus tard. Philippe Nardin leur montre où ils doivent s'installer avant de leur répartir de suite les tâches. Chaque équipe est affectée à un secteur, selon sa spécificité. La majorité des opérations est effectuée en collaboration avec les pompiers algériens mais dans certains cas des équipes sont affectées seules. Une véritable coordination se met de suite en place. Les Portugais ont par exemple installé un petit hôpital mobile, pas loin de celui des Français où ils font un premier tri des blessés. Ils prennent en charge les cas légers avant de transférer les cas les plus difficiles à leurs homologues de l'Hexagone. Sur un autre site, on trouve les équipes algériennes de recherche, sauvetage et déblaiement algériens, dont la réputation dépasse les frontières, en train de soulever des dalles à l'aide de la technique moderne pour en sortir des blessés coincés. D'autres sont en train de construire des galeries pour en extraire des victimes enterrées vivantes sous les décombres, après qu'elles aient été repérées par nos équipes cryotechniques. Constituées d'équipes d'intervention adaptées, structurées, formées et spécialement entraînées, pour la majorité certifiée internationalement, elles arrivent à sortir vite et sans encombres les blessés L'unité aérienne à la rescousse Ils sont transférés dans les ambulances, où dans les cas les plus graves ou des personnes qui se trouvent loin de la ville, il est fait appel à l'équipe d'unité aérienne de la Protection civile qui dépêche ses six hélicoptères pour leur venir en aide. Ces équipes, qui ont fait plusieurs vols de sauvetage mais aussi de reconnaissance, ont été très utiles aux sauveteurs. Elles ont même impressionné les présents avec leur facilité de décollage et d'atterrissage dans des endroits les plus difficiles sous des conditions météorologiques compliquées. On a aussi pu voir des équipes de plongeurs tunisiens, algériens et espagnols plonger dans le barrage de Tilesdit dans la commune de Bechloul de cette wilaya, où ils ont cherché des corps, repéré et réparé la faille qui menaçait ce barrage de rompre. On a même pu voir à l'oeuvre des équipes spécialisées dans les accidents chimiques intervenir le plus efficacement possible, en contenant la propagation de ces matières des plus dangereuses. C'était certes ou plutôt fort heureusement, que des exercices, cependant de grandeur nature puisque les participants ont été mis dans des conditions réelles avec de vraies personnes à secourir, remplacées par des mannequins dans les cas extrêmes, de vraies bâtisses effondrées et même de vraies matières dangereuses à manipuler! Le tout sous l'oeil bienveillant d'observateurs internationaux spécialisés qui notaient chaque équipe participante. Ils n'ont pas le stress de l'intervention, mais ont le stress de la réussite de cet «examen». «Une expérience des plus enrichissantes», affirment à l'unanimité les participants. Des liens d'amitié et de partage ont été tissés entre ces personnes venues d'horizon différents, mais que rassemble l'amour de ce noble métier. Une vraie entente et coordination est donc née de ces exercices. De bon augure pour ces pompiers qui seront appelés à travailler ensemble dans les pires moments...Au vu de cette semaine de «guerre», l'on peut dormir tranquille: nos pompiers veillent et leurs amis étrangers veillent au grain...!