Les députés vont se pencher aujourd'hui sur la loi de la santé Reporté puis gelé pendant une année, le projet de loi sur la santé, qui sera examiné aujourd'hui par les parlementaires, n'échappe pas aux critiques et à la polémique. Le temps passé n'a nullement apaisé les esprits au sein de la corporation de la santé. Bien au contraire, la contestation a pris de la dimension en multipliant les actes. Des médecins, des paramédicaux et des infirmiers crient leur rejet du projet de loi en question qui constitue, selon eux, une véritable menace au système de la santé et qui promet de brader le secteur public au profit du secteur privé. Des voix s'élèvent, au quotidien, pour alerter les pouvoirs publics et des grèves cycliques sont observées en signe de contestation. Les professionnels et les politiques mettent en garde contre les conséquences d'un tel projet sur le système de santé publique. Lyes Merabet, président du Snpsp «Un projet sur mesure pour le privé» Le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (Snpsp), Lyes Merabet, avance une analyse critique du projet de loi sur la santé. «Le projet de loi sur la santé remet en cause l'accessibilité aux soins», a alerté sans ambages Lyes Merabet. Ce médecin de profession estime que la réduction du budget des établissements de santé publique et l'absence de politique de renforcement de l'effectif, traduit une volonté de brader le secteur public de la santé au profit du privé. «Dans le projet de loi, il est clarifié que seuls les soins de base seront assurés aux patients», a-t-il déploré, tout en précisant qu'on va se retrouver avec deux systèmes de soins, l'un pour les plus démunis et l'autre pour les personnes aisées. En plus clair, se faire soigner sera un luxe pour les Algériens. Ce professionnel qui exerce dans le métier depuis plus de 20 ans, plaide pour le retrait carrément du projet en question puisqu'il va davantage nuire à la santé publique, a-t-il déclaré. Pour lui, la conjoncture économique marquée par la crise financière ne s'y prête pas. «Le renforcement du rôle du secteur privé va davantage déséquilibrer la Cnas qui souffre déjà de la lourdeur des charges financières des assurés», soutient-il. Lyes Merabet voit que ce projet de loi est conçu «sur mesure pour l'investisseur privé». Contrairement à ce que prône la tutelle en soutenant que le secteur privé va compléter le public, Lyes Merabet pense que la situation démontre le contraire. «Le privé est en train de remplacer le public», regrette-t-il. La preuve, dit-il, les cliniques privées qui s'installent pas loin des établissements de santé. Il a cité dans ce sens, le cas de la clinique privée qui se trouve en face du CHU de Beni- Messous. «C'est plutôt de la compétitivité et pas de la complémentarité», a-t-il fait remarquer. Ce médecin de profession ne comprend pas sur quelle base la tutelle octroie des agréments. «Si on plaide pour une complémentarité, pourquoi ne pas inciter le privé à s'installer dans les régions du Sud et à l'intérieur du pays?», s'est-il exclamé. Aiguisant ses arguments, Merabet a fait savoir que 70% de l'effectif médical employé par le privé est pompé du secteur public, ce qui démontre que le privé a beaucoup contribué à la détérioration du système de la santé publique. Lyes Merabet estime qu'au lieu de réviser la loi sur la santé,pourquoi ne pas revoir la loi sur la sécurité sociale qui date de 1983? Nadia Chouitem, membre de la commission parlementaire: «Le projet doit être retiré» La députée du Parti des travailleurs et membre de la commission parlementaire de la santé, Nadia Chouitem, est convaincue que le projet de loi sur la santé ne va pas apporter des solutions au secteur public, mais bien au contraire, il constitue une véritable menace au système de santé. «Il risque de détruire tous les efforts déployés par l'Etat depuis l'indépendance», a-t-elle averti. Pourquoi? Dans une déclaration à L'Expression, ce médecin de formation explique que ce projet touche à la gratuité des soins qui est un principe fondamental de notre politique sociale. «C'est vrai que l'article 12 stipule que les soins seront gratuits pour les citoyens, mais ce principe n'est pas traduit dans le fond», a-t-elle soutenu, en précisant que dans ce document, l'Etat prend à sa charge uniquement les soins de base, c'est-à-dire les urgences médicales. Elle avance comme preuve que dans l'article 344 sur le financement, il est indiqué que l'Etat n'assure que les soins de base et oblige la sécurité sociale à assumer tous les autres soins. Sachant que sa situation financière est déjà critique, Nadia Chouitem ne voit pas comment la sécurité sociale pourra assurer à elle seule tous les soins. Sur le partenariat public-privé, ce membre de la commission parlementaire estime que cela voudrait dire qu'il y a une volonté d'offrir les plateaux techniques et les laboratoires publics au privé. Le jumelage et le partenariat signifient sans ambiguïté que le privé aura accès à l'exploitation des plateaux techniques. «Le patient va devenir une marchandise, c'est pire que la privatisation», a-t-elle alerté, tout en précisant, que ce projet va davantage compliquer la situation du secteur. Pour elle, le gouvernement doit retirer cette loi et la repenser dans sa profondeur, car il s'agit d'un secteur stratégique et les conséquences seront terribles à long terme.