De la grâce en mouvement La France a fait sensation lors de l'ouverture de cette manifestation, vendredi soir, à l'opéra Boualem Bessaïh qui verra se produire de nombreuses compagnies internationales et ce, jusqu'au 30 avril. Portés par une musique méditerranéenne très émouvante, les danseurs, au nombre de trois, deux filles et un garçon ont su réinventer les lettres par plusieurs gestes et attitudes physiques avec grâce et souplesse, même si par endroit, la musique l'emportait sur le reste. Mais le rythme de la pièce chorégraphique était tel, bien ciselé et réfléchi qu'il laissait planer des moments de génie corporel et de respiration méditative qu'on se laissait aller tout naturellement dans le filet des ondes émanant de ces fabricants de sens épidermique, ces danseurs professionnels qui «jouent de percussions corporelles et font naître des rythmes pour laisser apparaître des cris d'écriture...». Au milieu d'une scène épurée et vierge, les danseurs vont tisser une danse de calligraphie qui mettra en scène «l'héritage de milliers d'années d'écriture». Que ce soit sur la musique de Jean-Sébastien Bach, sur un fond sonore créé pour la pièce, ou ces sons d'Arménie, la Méditerranée dans sa quintessence flamboyante se donnait rendez-vous sous nos yeux sous forme expressive, mi-sombre mi-éclairée, sur fond d'une psyché du corps qui intensifiera la superbe des mélodies orientales qui nous entraînaient forcément dans les abysses de nous-mêmes. «Au départ ce sont des lettres arméniennes qui se transforment en lettres latines, grecques, arabes, tout ça se mélangeait dans une seule et même portée. C'est ce qui naît l'un dans l'autre, des choses qui sortent les unes des autres et reviennent les unes aux autres, sur la base d'une rythmique très particulière, à un certaine langue. Les langues arabes sont très filantes avec notamment des sauts et des câbles, alors que les lettres latines sont très articulées, très divisées, tandis que les lettres arméniennes jouent sur la symétrie de la lettre, tout ça appartient à des cultures de la Méditerranée. Pour ce faire, on n'a pas choisi que des musiques de la Méditerranée. Tous ces jeux-là de lettres, sont des jeux de rythmes. Car chaque langue a des rythmes particuliers; raison pour laquelle on commence avec le silence. Ensuite le Bach vient dessus. Et là, on crée ces lettres en permanence et ça crée des danses différentes. Des moments différentes, tantôt très rapides tantôt très lents, suspendus. Tout est basé sur les alphabets et les écritures. On mélange tout cela pour arriver à une écriture commune de laquelle l'émotion va sortir pendant ces moments-là...», nous confiera le chorégraphe Michel Hallet Eghayan. Très belle prestation en effet de cette compagnie Hallet Eghayan de Lyon, qui fête cette année ses 40 ans avec une nouvelle pièce qui atteint le nombre de ses créations à 100 avec Hourra! une compagnie qui se produit, faut- il le rappeler, pour la seconde fois en Algérie dans le cadre du Festival international de la danse contemporaine d'Alger. Rappelons aussi que l'Algérie a ouvert le bal avec les danseurs de l'école Arabesque qui appartient à Madame Fatima Zohra Namous Senoussi, qui n'est autre que la commissaire du festival. Une première partie ayant déroulé des tableaux chorégraphiques assez basiques, relevant plus du domaine du ballet. Suivra le pays à l'honneur, à savoir l'Italie qui dévoilera sa pièce créée en «fusion» avec le concours des danseurs algériens qui n'ont pas démérité face aux Italiens bien qu'une maigre marge qui se ressentait les sépare s'agissant de certains danseurs (ses) algériens. Dans des tableaux féériques mêlant de longs draps dorés à la grâce du mouvement ample et généreux des danseurs mimant la mer, dans toute sa fougue entre histoire et folie humaine, se déchaînait sous nos yeux la vague à l'âme aux épanchements corporels qui disaient l'union des esprits et des hommes. Le spectacle se traduira en effet par le passage en premier lieu des danseurs algériens, puis italiens avant de se réunir ensemble, en dernier ressort sous le feu de la houle de ce gigantesque étendard d' océan et faire palpiter le coeur du public devant ces tableaux rehaussés de magie et de poésie. Enfin, c'est une Hongrie à la fois majestueuse et mystérieuse, qui participe pour la fois au festival qui clôturera cette première soirée qui verra la présence outre du ministre de la Culture Azzedine Mihoubi qui saluera encore cette belle initiative qu'est ce Festival international de la danse contemporaine, celle de son homologue tunisien, le ministre de la Culture Mohamed Zine El Abidine.