Des dizaines de barques lèvent les amarres pour aller braconner le corail en toute quiétude La loi en vigueur, visant à réglementer et à encadrer cette activité et surtout de protéger un écosystème fragile mis à rude épreuve par le braconnage, n'a pas pour autant mis fin au phénomène. Le braconnage du corail rouge ou «el mordjane» continue de rapporter gros, du fait que celui-ci est vendu à pas moins de 1800 euros le kilogramme, ce qui pourrait expliquer pourquoi le braconnage de cette richesse naturelle a pris ces derniers années des proportions alarmantes. Pis encore, selon Hocine Bellout, président du Comité national des marins pêcheurs, «nous assistons à une véritable destruction massive des bandes de corail». Ce dernier, qui se prononçait au siège de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) au sujet de ce phénomène, n'a pas caché son inquiétude au sujet de «cette dilapidation sans limite du patrimoine corallien». Et de lancer dans ce sens: «J'interpelle les pouvoirs publics afin qu'ils interviennent pour y mettre fin.» Faut-il donc croire que la loi sur la pêche au corail en vigueur depuis 2016, qui a durci les sanctions contre les personnes qui pêchent illicitement le corail, des peines qui vont d'un emprisonnement de 6 mois à 5ans et d'une amende oscillant entre 10 et 20 millions de DA, n'a en rien freiné «ce massacre en règle», comme l'a qualifié Hocine Bellout. Toujours à propos de cette dilapidation, ce dernier estime qu' «il est temps que les pouvoirs publics prennent d'autres décisions, plus radicales, autrement dit de renforcer le dispositif de contrôle et de traçabilité du corail pêché». Car pour ce dernier, «comment expliquer, et pour ne citer que le port d'El Kala où chaque fois que l'état de la mer le permet, des dizaines de barques lèvent les amarres pour aller braconner le corail en toute quiétude». Et de lancer: «C'est à croire qu'une véritable guerre est menée contre une ressource rare et précieuse.» Il a aussi déploré le fait que «la loi sur la pêche au corail, qui vise à réglementer et encadrer cette activité et surtout à protéger un écosystème fragile mis à rude épreuve par le braconnage, n'a pas pour autant réduit la pêche illicite du corail». Et de révéler dans ce sens que «la pêche illicite de cette ressource et les revenus que l'on en tire ont entraîné l'implication de nombreux professionnels. En clair, ils ont préféré aller vers une activité facile et rentable, sans paiement de taxe ou de redevance». Soulignant également que «malgré la vigilance des services de sécurité, le phénomène n'a malheureusement pu être stoppé. Bien au contraire, les saisies se sont multipliées et les arrestations de braconniers, exposant leurs vies aux dangers de la mer, attestent, aujourd'hui, de la gravité de la situation». A propos des nouvelles règles de pêche introduites dans la nouvelle loi, il est utile de rappeler que l'ouverture des périmètres d'exploitation du corail, rouverts après 16 ans de fermeture, ont été fixées par deux arrêtés ministériels publiés au Journal officiel no 23 et visant d'une part à permettre à l'économie nationale d'en tirer profit et d'autre part de mettre fin au braconnage. Il est utile de rappeler dans la foulée que les conditions de la reprise de cette activité, à forte valeur marchande, ont été définies par la nouvelle loi sur la pêche et l'aquaculture, promulguée en 2015, qui a durci les sanctions contre les personnes qui pêchent le corail sans document de concession ou celles qui ne tiennent pas de registre de plongée, ou qui dépassent le quota annuel autorisé ou quiconque exporte le corail à l'état brut ou semi-fini. Interrogé pour savoir si des concessions par adjudication ont été accordées comme le stipule la loi, Bellout a répondu qu'à sa connaissance aucune concession n'a été accordée. Rappelons enfin que c'est en novembre 2000 que les pouvoirs publics ont décidé d'interdire la pêche au corail, objet de grandes convoitises mercantiles, qui menaçaient dangereusement l'état des coraux et les stocks existants. Si la méthode désuète et dangereuse de la «Croix de Saint-André» (utilisée pour la récolte du corail) avait été abandonnée, également partout dans le monde et surtout en Méditerranée après avoir été dénoncée par l'explorateur océanographique, Jacques-Yves Cousteau, au profit de plongeurs qui cueillaient les polypes de corail sans détruire la colonie de coraux elle-même, les motifs des pouvoirs publics étaient surtout liés à la contrebande née de cette matière. L'interdiction de la pêche au corail est venue en fait pour stopper un vaste trafic à l'échelle régionale et internationale dans lequel étaient impliqués autant des armateurs corailleurs que des réseaux de braconniers, qui alimentaient des filières d'un vaste trafic international bien organisé. Certains armateurs, détenteurs de permis de pêche qui les autorisaient à extraire jusqu'à 800 quintaux par an, ont trouvé l'astuce de contourner la loi qui les obligeait à créer des ateliers de transformation, et donc créer des emplois et former une main- d'oeuvre, pour exporter à l'état brut et non fini le corail algérien.