«Hadj Boubekeur Benzerga est un des meilleurs luthistes de l'Algérie». Cette appréciation émane de tous les spécialistes en musique andalouse pour l'avoir côtoyé dans sa longue carrière de musicien professionnel. Avec son orchestre, cheikh Benzerga a égayé plusieurs soirées tlemcéniennes dans les mariages en variant ses chansons passant de l'andalou au haouzi et surtout à l'oriental qu'il affectionnait particulièrement. Feu Benzerga interprétait avec aisance les morceaux d'Abdelouahab, Farid El Atrache, Asmahane, devant la jeunesse des années 50 et 60. Cet artiste, parti dans l'anonymat en ce mois d'août 2005, est né dans la Gasba de Tlemcen et a grandi avec Ouled Essour, les fils des remparts. Autodidacte de formation, il a perfectionné sa formation dans l'andalou avec Gharnata la Slam grâce à feu Bouali Mohamed et Mustapha Belkhodja, meilleur joueur du rbeb, irremplaçable à ce jour. M.Boukli Hacène Salah, président du groupe El Kortobia, confiera : «Hadj feu Benzerga a couvert la période post-indépendance de 1962 à 1967 après le départ de cheikh Abdelkrim Dali (1948), l'exil de cheikh Redouane (1958) et la mort du grand cheikh Larbi Bensari (1964). Ce fut un joueur de luth chevronné, Gharnata et la Slam lui ont permis d'enrichir son répertoire andalou». Dans les années 60, après l'indépendance, j'ai assisté à des soirées fabuleuses au local des anciens détenus près du Mechouar où feu Benzerga, avec son luth, nous faisait goûter le haouzi, les meilleurs morceaux de feu Ahmed Wahbi (El Asnam, Touil Regba, Yamina, etc.). Le cheikh a laissé un disque 33 tours édité en 1970 où il a exécuté avec brio la quaçida célèbre de hadj Ibn Saïb, Youm el khamis. La radio locale a plusieurs enregistrements inédits enregistrés par la speakerine Fatima avant la mort de hadj Benzerga, chez lui alors qu'il ne sortait plus en ville. Feu hadj Benzerga a formé plusieurs jeunes musiciens, de même qu'un chanteur Moulay Ali qui faisaient des istikhbars limpides. Dans les années 70, la Direction de l'éducation affectait plusieurs cheikhs dans les établissements scolaires comme enseignants de musique, Nouri Koufi à l'EF Aouicha Hadj Slimane, Bouhsina au lycée Malika Hamidou, Bereksi Mustapha au lycée Dr Benzerdjeb et feu hadj Benzerga à l'école des cadets de la Révolution au Mechouar. A la cérémonie de clôture de l'année scolaire, Hadj Benzerga a présenté un orchestre formé par les jeunes cadets qui ont joué plusieurs morceaux de musique andalouse et chanté plusieurs quaçidate. Ces jeunes cadets de la Révolution de 1970 vont se reconnaître à travers ses lignes car ils sont devenus des officiers de l'ANP. Malgré sa maladie ces dernières années, Hadj Benzerga défendait bec et ongles, le patrimoine musical du terroir. Lors de l'hommage à cheikha Tetma organisé par l'association Attarab Alaçil, l'année dernière, cheikh Benzerga avait confié: «J'allais souvent rendre visite à cheikha Tetma pendant sa longue maladie. Elle m'a confié plusieurs quaçidate (poèmes inédits). Je demande aux jeunes de se rapprocher de moi pour les mettre en musique haouzie». Benzerga a chanté admirablement Youm El Khamis et est parti en silence un vendredi 19/08/2005. Que Dieu ait son âme, et sincères condoléances de l'Expression à toute sa famille et ses amis.