Des résultats à la mesure du désarroi des Tunisiens En raison de leur éparpillement, aucune des listes non partisanes ne semble cependant mettre en cause la prédominance de Nidaa Tounès, fondé en 2012 par l'actuel président Béji Caïd Essebsi, et les islamistes d'Ennahdha. Un électeur tunisien sur trois seulement s'est rendu aux urnes dimanche dernier pour les premières élections municipales de l'après-révolution, une abstention massive qui sonne comme un désaveu cuisant pour la classe politique aux manettes depuis le Printemps arabe. Si les résultats officiels ne seront connus que dans les jours à venir, les listes indépendantes pourraient aussi réaliser une percée, dans un pays où nombre d'électeurs ont déploré un verrouillage du champs politique par les deux principaux partis, Nidaa Tounès et Ennahdha. «On peut parler de victoire de l'abstention et des listes indépendantes», si les premières estimations se confirment, a ainsi déclaré la politologue Nessryne Jelalia. En raison de leur éparpillement, aucune de ces listes non partisanes ne semble cependant mettre en cause la prédominance de Nidaa Tounès, fondé en 2012 par l'actuel président Béji Caïd Essebsi, et des islamistes d'Ennahdha. Et dans le rapport de force entre les deux partis, alliés de circonstance depuis plus de 3 ans, Ennahdha semble reprendre le dessus après son revers des législatives de 2014: le mouvement de Rached Ghannouchi a clamé sa victoire à Tunis et en nombre total de voix dans l'ensemble du pays. Nidaa Tounès a concédé être arrivé deuxième. Un institut de sondage, Sigma, crédite Ennahdha de 27% des voix contre 22% à Nidaa Tounès -les listes indépendantes sont elles données à 28% en scores cumulés. Les électeurs ont adressé «un message clair envers les partis» établis, selon Mme Jelalia, qui note «la fuite de l'électorat vers des listes ne s'affichant pas comme partisanes» et «une abstention de sanction». Si la percée des indépendants se confirme, «cela montre qu'un renouveau se met en place, même si les partis parviennent à maintenir leur assise», estime pour sa part le politologue, Youssef Cherif. Pour le secrétaire général de la puissante syndicale UGTT, Noureddine Taboubi, «les Tunisiens sont en colère contre tous les politiciens». M. Taboubi a de nouveau appelé à un remaniement, estimant «nécessaire de pomper du sang neuf dans les articulations de l'Etat». La presse souligne elle aussi le désenchantement des Tunisiens 7 ans après la chute de la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali, entre hausse des prix, crises politiques à répétition et corruption. La Tunisie a connu neuf gouvernements en sept ans, et la timide reprise de la croissance, à 2% en 2017, ne suffit pas à enrayer un chômage élevé et une inflation qui continue à grimper. «Choc... Boycott», a titré le quotidien Echourouk, estimant que les électeurs avaient boudé les urnes par dépit. «Le taux de participation restera incontestablement une tache noire de ce 6 mai, mais il n'empêchera pas la démocratie de poursuivre sa marche», a pour sa part estimé le principal journal francophone, La Presse. Pour le quatrième scrutin organisé dans le pays depuis la révolution, et le premier au niveau local, la participation n'a atteint que 33,7% au niveau national et seulement 26% à Tunis, selon l'instance en charge des élections, l'Isie. Lors des dernières élections nationales, le taux de participation avait dépassé les 50%. «Mais ce n'est pas un échec pour la démocratie, le scrutin a été juste et transparent, sans incident majeur», a souligne toutefois Mme Jelalia. Un soulagement partagé par l'Isie, qui a organisé ce scrutin sans précédent en moins de cinq mois, et a dû compter sur l'adoption tardive d'un Code précisant les prérogatives des municipalités, qui n'a été voté qu'après le début de la campagne électorale. «Le plus important pour nous, c'est que les élections municipales ont eu lieu, c'est un moment historique», a déclaré Mohamed Tlili Mansri, président de l'Isie. Pour l'abstention, «nous ferons mieux la prochaine fois». «Cette abstention représente une forme de punition pour la coalition au pouvoir, Nidaa et Ennahdha, parce qu'ils ont fait des promesses sans les tenir, surtout envers les jeunes», a de son côté clamé Hamma Hammami, responsable du Front populaire, principale formation de gauche, dans l'opposition. Mais Ennahdha a estimé que les résultats confortaient sa stratégie d'alliance. «C'est une victoire pour Ennahdha et Nidaa ainsi que pour l'équilibre démocratique», a déclaré le porte-parole Imed Khemiri dimanche soir, ajoutant que «le consensus» se poursuivrait. Cette formation pourrait voir sa candidate, Souad Abderrahim, une pharmacienne de 53 ans, devenir la première femme maire de Tunis, selon le sondage sortie des urnes de Sigma. Les maires ne seront néanmoins choisis que d'ici la mi-juin par les conseillers des 350 municipalités élus dimanche à la proportionnelle à un tour.