A une semaine d'un scrutin plein d'enjeux pour l'avenir de la Tunisie, l'évolution de la campagne électorale montre que les islamistes d'Ennahdha et les sociaux-démocrates de Nidaa Tounes, le parti de l'ancien Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, seraient au coude à coude. Que cache cette lutte à distance ? Les Tunisiens vont choisir, dimanche prochain, les 217 membres de leur première Chambre des représentants du peuple, élue en vertu de la Constitution du 27 janvier 2014. 1327 listes électorales se disputent la sympathie de 5 236 244 électeurs. Ce nombre colossal de listes candidates fait planer le risque d'une dispersion des voix, comme ce fut le cas en 2011. Laquelle dispersion avait servi Ennahdha pour sortir victorieuse dudit scrutin. En 2014, les partis de l'opposition, Nidaa Tounes en tête, contestent la loi électorale. «Au nom de la liberté de candidature et forts de leur majorité au sein de l'Assemblée nationale constituante, les islamistes d'Ennahdha ont refusé d'introduire des conditions rigoureuses pour éviter les candidatures fantaisistes», explique le constituant, secrétaire général du parti Al Massar, Samir Taïeb. Ainsi, ajoute-t-il, Ennahdha a «imposé une loi électorale similaire à celle de 2011, pour essayer d'en tirer profit au maximum, afin de préserver sa place de premier parti qui lui permettrait de désigner le chef du prochain gouvernement en vertu de la Constitution». Déterminant Le scrutin du 26 octobre indiquera qui de Nidaa Tounes ou d'Ennahdha aura à gouverner la Tunisie lors du prochain quinquennat. Et au-delà d'un nom, c'est un modèle sociétal qui sera choisi. «Les Tunisiens vont trancher entre deux conceptions de la vie. Celle qui a laissé la porte ouverte au terrorisme, dont le développement a été favorisé par le laxisme des gouvernants, si ce n'est plus. D'ailleurs, vous êtes en train de vivre les conséquences graves d'une telle gouvernance catastrophique. Sur l'autre bord, Nidaa Tounes vous propose de faire rallier la Tunisie à la voie du progrès, celle de la Tunisie du XXIe siècle», a souligné hier Béji Caïd Essebsi dans un meeting populaire à Kairouan. Face à cette volonté de divergence exprimée par Nidaa Tounes, Ennahdha et son dirigeant Rached Ghannouchi prônent le consensus car «le processus de transition n'est pas encore solide et ne pourrait résister aux tiraillements». Ghannouchi a même appelé à un candidat consensuel pour la présidence de la République. Laquelle proposition a été rejetée par tous les partis qui ont un candidat pour la présidentielle. «Les islamistes d'Ennahdha cherchent le consensus pour éviter la reddition des comptes suite à leur gouvernance catastrophique au sein de la troïka. Ils prônent un discours d'union pour ne pas se retrouver face à une évaluation de leur parcours pendant les gouvernements de Jebali et Laârayedh», explique le politologue Slaheddine Jourchi. Comme la Constitution accorde au premier parti sorti des urnes lors des législatives de choisir le chef du prochain gouvernement, Nidaa Tounes et Ennahdha se disputent cette place. L'arrivée de Nidaa Tounes en tête propulserait également en avant la candidature de Béji Caïd Essebsi à la présidentielle. Un éventuel succès d'Ennahdha dans le scrutin du 26 octobre compliquerait le parcours de Béji vers la Présidence, dont le premier tour est prévu le 23 novembre. Le président de Nidaa Tounes est le principal favori au palais de Carthage. Mais Béji a à passer l'écueil des législatives. Pour défendre leur choix sociétal et modèle de gouvernance, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi sont en train de sillonner le pays du Nord au Sud. Chacun d'eux essaie de convaincre les électeurs du bien-fondé du programme de son parti. Les Tunisiens arbitreront dimanche prochain. Nidaa Tounes a-t-il les cartes pour détrôner Ennahdha ?