Le MSP est prêt à développer un discours «rationnel dans l'intérêt du pays». Le Premier ministre peut parfaitement partager cette vision des choses. L'initiative du MSP, destinée par ses auteurs à faire prendre au pays le «train de la transition», dont personne ne peut préjuger la destination, est en passe de trouver une finalité autrement plus concrète. Dans tout l'argumentaire déployé par Makri pour justifier l'opportunité de son offre politique, Ahmed Ouyahia en a sorti une «pépite» qu'il met sur la place publique et va jusqu'à prendre le leader du parti islamiste au mot en l'invitant à en débattre. La «pépite» en question n'est autre que l'économie. En effet, le secrétaire général du RND qui a rejeté l'initiative du MSP dans le fond et dans la forme a néanmoins retenu la proposition du dialogue national sur l'économie du pays. Abderezzak Makri a, rappelons-le, avancé des préalables à cette étape de sa proposition. Elle viendrait, selon lui, après la formation d'un gouvernement d'union nationale, soutenu et parrainé par l'institution militaire. Ahmed Ouyahia propose de passer outre ces préalables et aller directement vers un consensus national sur les mesures à prendre sur l'économie. Selon le secrétaire général du RND et non moins Premier ministre, les portes de l'Exécutif demeureront ouvertes pour une large consultation de l'ensemble des acteurs politiques, à même de construire un «front» commun pour affronter les difficultés que rencontre le pays. C'est l'exacte formulation du leader du MSP, qui ne peut refuser une invitation à un dialogue auquel il appelle lui-même de ses voeux. Il a lui-même déclaré lors de la formulation de sa proposition que 2019 et 2020 seront très difficiles au double plan social et économique et qu'il faudra un maximum de solidarité politique pour engager des réformes douloureuses. L'idée est d'amener la classe politique à parler d'une seule voix. On aura compris à travers ces propos que le MSP estime incontournable la révision du système des subventions en sus de réformes économiques, allant dans le sens des privatisations d'entités publiques. En d'autres termes, sans le dire, le parti islamiste est prêt à développer un discours «rationnel dans l'intérêt du pays». Le Premier ministre, dont on connaît assez bien l'esprit rationnel, peut parfaitement partager cette vision des choses. Il serait le premier à applaudir une démarche consensuelle qui approuverait des «décisions difficiles» qui aboutiraient à la stabilisation de la situation économique du pays. En mettant en exergue cet aspect de l'initiative de Abderezzak Makri, Ahmed Ouyahia marque manifestement de précieux points. Et pour cause, il transfère le débat sur le terrain de l'économie, alors qu'à l'origine cette question paraissait subsidiaire dans «l'offre» de Makri. Le leader du MSP a évoqué la question sous l'angle de «l'habillage» de sa proposition, histoire de trouver un objectif concret et immédiat à sa «transition». Au lieu de cela, Ahmed Ouyahia lui propose de faire du caractère immédiat de cette partie de son initiative, une question de fond. Sur le terrain de l'économie, le secrétaire général du RND est à l'aise. Il sait la situation et peut, chiffres à l'appui, convaincre ses interlocuteurs. La proposition étant retournée à l'envoyeur après «traitement», perd de sa charge politique, mais garde toute sa pertinence auprès de l'opinion nationale, laquelle est préoccupée par la situation socio-économique et jugera les partis à l'aune de leur compétence sur le sujet. Makri qui a reçu à la figure ce «projectile» qu'il n'attendait pas n'est pas en meilleure posture. C'est le moins qu'on puisse dire.