Une véritable arme de guerre entre les mains de Monsieur Tout-le-Monde Jusqu'à quel point peut-on acheter les opinions de ces faiseurs... d'opinions? Un cocktail avec la politique où la religion est de la véritable nitroglycérine, une arme de guerre à la portée de tout le monde... «Bonjour, si vous souhaitez avoir des publications positives sur notre groupe par rapport à votre activité, voici nos tarifs: 10.000 pour cinq publications, 20.000 pour 12.000...» Ce n'est pas le mail d'un commercial d'une agence de publicité, mais celui des «administrateurs» d'une page Facebook censée partager les bons et les mauvais plans. Ce mail venant d'une des plus grandes pages du genre, en termes d'abonnés, n'est pas un cas isolé. «Au début on commence par partager de vrais avis, on fait preuve d'une objectivité des plus strictes», assure un ancien «gérant» de ce type de pages. «Mais vient le moment où quelqu'un nous propose de l'argent contre un peu de pub...On refuse, ensuite, vient le deuxième, le troisième...On finit par céder à la tentation, en se disant que c'est rien, ce n'est qu'un coup de pub», raconte-t-il. «Finalement, dès que l'on goûte à cet argent facile, ça devient plus fort que nous, on ne peut plus s'arrêter jusqu'à en faire un commerce!», poursuit-il pour expliquer le fonctionnement de ce nouveau business. «Quand ce n'est pas de l'argent, ce sont des cadeaux, un dîner gratuit pour goûter quand il s'agit de restaurant, ou des produits à essayer quand il s'agit de marques», souligne fièrement une connaissance qui vit grâce à sa page Facebook. Il faut dire que cette jeune fille avec qui nous avons traîné à un moment donné, a perdu l'habitude de tirer de l'argent de son portefeuille. «Non, non, ne t'inquiète pas, laisse l'addition, c'est pour moi», annonce-t-elle à chaque sortie avant d'aller se présenter au «proprio» qui, avec un large sourire refuse d'encaisser. Il trouve ensuite un petit commentaire sur la page, que notre amie lui envoie «naturellement» pour une prise de contact suivie par une offre de service...Si par malheur, le «geste commercial» ne suit pas, il a le droit à une publication comme étant un endroit à déconseiller vivement! Néanmoins, il faut dire que les propriétaires d'établissements et les marques encouragent grandement ces pratiques. C'est de la publicité «low coast», pour ne pas dire presque gratuite... Comment y être insensible quand on a 20 ans? Cette vision de valorisation monétaire a donné des idées à certains petits malins. Surfant sur la vague de ce qu'on appelle «pompeusement» les influenceurs. Ils en ont fait leur métier. Ces derniers qui étaient au début des «testeurs» de produits, sont devenus des publicitaires qui font de la promotion au plus offrant. À l'exemple des jeunes blogueuses, beautés qui vous conseillent tel ou tel produit, vous recommande son utilisation... Mais sans tomber dans la théorie du complot, la plupart d'entre elles sont payées par les marques pour le faire. Et même quand elles ne reçoivent pas d'argent, les services marketing et de communication «influencent» leurs choix. Elles sont traitées comme des divas, choyées, cajolées, couvertes de cadeaux. Comment être insensible à de telles sirènes quand on a 20 ans et pratiquement pas un sou en poche? Cette réalité n'est pas propre à l'Algérie. Il suffit de faire un tour sur Wikipédia et lire la description pour ne plus avoir de doutes. «Un influenceur est une personne active sur les réseaux sociaux qui, par son statut, sa position ou son exposition médiatique, est capable d'être un relais d'opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing», est-il écrit dans cette encyclopédie en ligne. D'ailleurs, en mars dernier le quotidien français Le Monde dénonçait cette nouvelle réalité commerciale dans un article intitulé: Des influenceurs davantage payés par les marques. «Dans le marketing d'influence, un secteur qui brasse plusieurs milliards de dollars, les collaborations rémunérées sont en train de prendre le pas sur les cadeaux en nature», écrivait l'auteur de l'article pour résumer ce marketing d'un autre genre. Les agences de communication ne se sont pas fait prier pour en faire tout simplement un produit que l'on achète selon ses besoins. C'est le cas de l'agence de relations publiques hybride «Pi Relations» qui a carrément lancé une plateforme (TRENDZ, NDLR) pour connecter les marques algériennes et les influenceurs. Une chose tout à fait normale pour une agence de communication qui ne fait que son travail. Mais quand il s'agit de page d'avis, de conseils, ou d'influenceurs, il y a un véritable problème de transparence. Le consommateur est en droit de savoir si cette publication, cet article ou cette vidéo a été rémunéré ou non. Est-ce un publi-reportage ou un véritable test objectif? Il y va du droit de la protection du consommateur, les contenus sponsorisés doivent être signalés. Mais dans le monde merveilleux de Instagram, Snapchat et Facebook, il est très facile de faire passer de la publicité pour de la... vérité! Les revers d'une révolution C'est donc un monde où seul l'argent compte! Tout a un prix, tout s'achète! C'est d'ailleurs là où se situe le problème. Jusqu'à quel point peut-on acheter les opinions de ces influenceurs? Car, il faut le dire, ce sont eux les nouveaux faiseurs d'opinions chez les jeunes. Dans ce monde, ce sont eux le 4e pouvoir. Ils ont des milliers d'adeptes, voire des millions pour certains. Ils les suivent avec attention, imitent leurs faits et gestes. Une véritable «secte» virtuelle que l'on peut déclencher grâce à un petit clic. Peuvent-ils être un danger pour l'ordre public? Pour le moment, la plupart de ces blogueurs n'expriment aucune opinion politique ou religieuse. Ils sont dans le divertissement, la beauté et les loisirs. Ils font tranquillement leurs affaires, mais imaginons un instant que ces publicitaires 2.0, qui n'ont reçu aucune formation dans le domaine, soient approchés par des entités hostiles à l'Algérie, leur faisant croire qu'ils n'allaient faire tout simplement que du marketing politique. On a bien vu les dégâts que Facebook et Twitter ont fait dans le Monde arabe. L'hérésie que l'on appelle printemps arabe n'est-elle pas une révolution qui a commencé par le virtuel? Allons-nous assister à une révolution de Snapchat et Instagram? On les «accuse» même d'être derrière l'élection de Donald Trump. Les parlementaires américains menacent de légiférer pour soumettre les réseaux sociaux à certaines règles de transparence. Car, il faut le dire, c'est de la nitroglycérine, une véritable arme de guerre entre les mains de Monsieur Tout-le-Monde. Cela pourrait être une arme de destruction massive qui peut tomber dans de mauvaises mains. Ce moyen de communication peut ruiner le pays. Mais à l'évidence, rien ne sert de bloquer, il faut s'adapter et utiliser cette «menace» en notre faveur. C'est cela la réalité du virtuel...