C'est devenu une litanie, les mésaventures des navires affrétés par les ONG qui volent au secours des migrants ballotés par les flots en mer Méditerranée sont si banales et si coutumières, désormais, qu'on n'y prête qu'une attention fugace, voire un intérêt à peine esquissé. Et c'est ainsi que le périple de l'Aquarius a eu beau défrayer la chronique, rares sont ceux qui savent que ce bateau ne peut pas débarquer à Malte les 58 migrants secourus au large de la Libye de peur de rester bloqué à La Valette, comme plusieurs autres navires humanitaires avant lui, dont les affréteurs dénoncent une campagne concertée qui vise à interdire leurs opérations. Officiellement, les médias européens ont battu la campagne pour saluer une décision historique entre l'Allemagne, la France et l'Espagne qui se sont proposées pour accueillir chacune un quota de réfugiés. Raison pour laquelle Malte a accepté de faire débarquer les 58 migrants qui doivent être répartis entre ces trois pays. Sauf que la décision du Panama de lui retirer son immatriculation a condamné l'Aquarius à demeurer jusqu'à nouvel ordre dans les eaux internationales. Excédé par la valse des navires humanitaires qui déversent des flots de migrants continus dans le port de La Valette, depuis plusieurs années maintenant, Malte a sévi contre plusieurs ONG qui ont rapatrié leurs vaisseaux en activité permanente au large de la Libye et elle a même choisi d'immobiliser ceux des ONG allemandes Sea Watch3 et Lifeline parce qu'elles sont les plus actives en la matière. Acculé dans son retranchement depuis juin dernier, le Sea Watch3 n'a pu s'en affranchir malgré la venue d'inspecteurs hollandais qui ont confirmé son immatriculation aux Pays-Bas. Evidemment, les raisons sont d'abord et surtout politiques, même si elles se drapent dans un argumentaire de droit de la mer hâtivement convoqué. La vague extrémiste qui submerge, depuis quelques mois, les pays européens, qu'ils soient riverains de la Méditerranée ou pas, et la crainte de plusieurs gouvernements en place d'être emportés par cette montée spectaculaire de l'extrême droite, influent considérablement sur le discours comme sur la méthode des dirigeants européens. En outre, on a bien vu combien il leur est difficile de s'entendre sur la question de la répartition des quotas de migrants auxquels certains pays membres de l'UE sont farouchement réfractaires quand ils n'y sont pas résolument hostiles. Conséquence immédiate de ces jeux et enjeux dont la Méditerranée fait l'objet, les départs à partir des côtes libyennes sont en train de diminuer peu à peu, sans aucun doute, mais parallèlement, la proportion des morts a, quant à elle, explosé. Des experts ont donné quelques estimations, observant que, si en 2017, il y avait un mort pour 42 départs, on enregistre, entre juin et août 2018, un mort pour 18 départs. Des chiffres qui se passent de tout commentaire.