La France ou la «Kanaky»? Les électeurs de Nouvelle-Calédonie, petit territoire stratégique de 270.000 habitants dans le Pacifique, décideront aujourd'hui lors d'un référendum historique qui devrait, selon les sondages, se solder par la victoire du non à l'indépendance. Près de 175 000 électeurs de cet archipel français colonisé en 1853, situé à 18 000 kilomètres de Paris et disposant d'importantes réserves de nickel, devront dire s'ils veulent «que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante». Les sondages prédisent une large victoire du non, dans une fourchette de 63 à 75%. Ce référendum, qui vient ponctuer 30 ans de décolonisation progressive, est attentivement surveillé par Paris, mais aussi par les voisins du Pacifique, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. «Discrètement, la France souhaite que le +non+ l'emporte, ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui voient là une présence européenne précieuse dans la région, et ce d'autant plus si le Brexit aboutit. Car l'expansionnisme chinois inquiète», a estimé dans une interview à «La Gazette des Communes», Patrice Jean, ancien maître de conférences à Nouméa. Le président français Emmanuel Macron a choisi de «ne pas prendre parti» dans ce référendum. Les Etats-Unis ont, selon lui, «plutôt tourné le dos à la région et la Chine est «en train de construire son hégémonie pas à pas». Le référendum, prévu par l'accord de Nouméa signé en 1998, est destiné à poursuivre le travail de réconciliation entre Kanaks, peuple autochtone du territoire qui compose désormais moins de 50% de la population, et Caldoches d'origine européenne, entamé avec les accords de Matignon en 1988. Ces derniers avaient été signés après les violences des années 1980 qui avaient culminé avec une prise de gendarmes en otages dans l'île d'Ouvéa en mai 1988, qui avaient fait 25 morts, dont 19 indépendantistes. A la veille du scrutin, Nouméa, la capitale, et ses alentours, qui concentrent les deux tiers de la population, restaient très calmes. Si dans les provinces du Nord et des Iles loyauté, à majorité kanake, les partisans de l'indépendance ont pavoisé de leur drapeau routes et arbres, les pro-France affichent peu le fanion bleu-blanc-rouge. Dans les rues, certains n'avaient toujours pas fait leur choix, comme Sholin, technicien de 21 ans, qui verra «le jour J». Une autre électrice espère que «Dieu guide (son) choix». «C'est un événement historique que tout le monde a souhaité, mais paradoxalement, l'enjeu a perdu de son intensité», note Pierre Christophe Pantz, docteur en géopolitique. Soumynie Mene, militante indépendantiste de 38 ans, juge «dommage que la population ne se sente pas concernée par un référendum qu'on prépare depuis 30 ans» alors qu'il est pourtant «temps de tourner la page de la colonisation». En cas de victoire du oui, le FLNKS (indépendantiste) a souligné qu'il ne souhaitait pas une rupture avec la France, mais une indépendance en partenariat avec ce pays, qui pourrait prendre la forme d'un Etat associé.