Les «gilets jaunes», fronde populaire française qui perdure depuis plus de deux mois, manifestent pour le dixième samedi consécutif, dans la crainte renouvelée de violences et malgré le lancement par Emmanuel Macron du «grand débat» qui peine à apaiser la colère. «Une mobilisation au moins égale à la semaine dernière est attendue», a indiqué une source policière. Le 12 janvier, plus de 80.000 personnes avaient été recensées par les autorités, contre 50.000 une semaine auparavant, douchant les espoirs du gouvernement qui misait sur une confirmation de l'essoufflement du mouvement observé lors des fêtes de fin d'année. Quelques centaines de milliers de «gilets jaunes» s'étaient rassemblés en novembre ou décembre. Des appels de manifestants à viser les forces de l'ordre ont circulé, a précisé la source policière. Les précédents samedis ont été émaillés de heurts, parfois violents. Des images de scènes d'émeutes urbaines à Paris avaient fait le tour du monde, écornant l'image de la France, première destination touristique mondiale. L'exécutif prévoit «un dispositif d'ampleur comparable au week-end précédent», a indiqué le secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Laurent Nuñez. Environ 80.000 policiers et gendarmes doivent donc être mobilisés en France, soit le même nombre que les manifestants la semaine dernière. Ils seront 5.000 à Paris, selon la préfecture de police. Dans la capitale, les organisateurs invitent les participants à amener «une fleur ou une bougie en hommage» aux personnes tuées ou blessées «pour (leur) cause» depuis le début du mouvement le 17 novembre. Ce mot d'ordre, nouveau pour un rassemblement à Paris, ponctue une semaine marquée par une vive polémique sur l'usage du lanceur de balles de défense (LBD) par les forces de l'ordre, que la France est un des rares pays européens à utiliser, et les blessures graves subies par de nombreux manifestants. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a encore défendu vendredi l'usage du LBD, sans qui, selon lui, les forces de l'ordre n'auraient plus d'autre option que le «contact physique». Il y aurait alors «beaucoup plus de blessés», a estimé le ministre, qui s'est également dit «sidéré» par les accusations de violences policières, malgré certaines vidéos qui montrent un usage du LBD sans menace immédiate sur le tireur.»Le défi du maintien de l'ordre», titre le quotidien Le Parisien, se demandant «comment réagir face aux manifestants les plus violents». Parallèlement, le président Emmanuel Macron poursuit sa tournée à travers la France de débats marathons avec des centaines de maires, qui fait partie du «grand débat national» destiné à écouter les doléances des «gilets jaunes». Vendredi à Souillac, dans le Sud-Ouest, M. Macron a encore tenu plus de six heures d'échanges, tout comme mardi dans le nord-ouest.»Je vous mets en garde, monsieur le président: il ne faudra pas que ce débat devienne le grand bluff!», a averti Christian Venries, le président de l'association des maires ruraux du Lot, dans le Sud-Ouest, au début de la discussion dans la petite ville de Souillac. Outre les discussions avec les élus, le «grand débat national» (GDN), mis en place à travers la France, organise des discussions entre citoyens sur les thèmes du pouvoir d'achat, de la fiscalité, de la démocratie et de l'environnement. Le président promet de faire remonter ces débats, espèrant ainsi répondre à tous les mécontentements mais nombre de «gilets jaunes» voient plutôt dans le GDN le moyen d'enterrer leurs revendications. M. Macron a en particulier une nouvelle fois rejeté le rétablissement de l'ISF, un impôt qui frappait les plus fortunés et que réclament les «gilets jaunes». Si 94% des Français ont désormais entendu parler du «grand débat», ils sont 64% à rester sceptiques sur son utilité et moins d'un tiers (29%) comptent y participer, selon un sondage Odoxa Dentsu consulting diffusé jeudi.