C'est le film dont tout le monde parle ! Celui dont Joaquin Phoenix, l'acteur principal, ayant perdu 23 kilos pour camper son rôle n'a cesse d'être salué par les critiques. Il s'agit bel et bien de Joker de Todd Philips qui réussit le pari en s'attaquant à l'univers Batman de réaliser un film complexe malgré un scénario finalement assez facile, en donnant à avoir non pas un héros comme le sont dans le monde des comics, mais une sorte d'anti-héros en transformation. Ou comment le gentil Arthur Fleck, clown de métier, rêvant de devenir humoriste va vite déchanter et devenir fou, jusqu'à devenir criminel… Ce film, à l'atmosphère sombre déjà, nous plonge dans le cœur, le corps d'un psychopathe dont la vie ne sera que dure avec lui. Ironie du sort, le naïf qui travaille dans un centre où c'est écrit au fronton «il ne faut pas oublier de sourire en sortant» va finir par rire jaune, lui qui est atteint justement d'une maladie neurologique le poussant à rire à un moment donné sans s'arrêter. Un film sur le rire, sur quoi rire ? Rire de qui ? De soi ou de l'absurdité de cette existence qui ne répond décidément à aucune logique ? Rire jaune Joker deviendra petit à petit et nous le verrons dans le film, l'objecteur de conscience. Celui par qui sonnera le réveil. De façon désordonnée certes, en éclaboussant tout sur son passage. Passer de l'autre côté obscur, il y a de cela aussi quand on échoue à se contrôler avec un père présupposé qui semble, lui encore, plus atteint. Une sorte de Dark Vador moderne à l'apparence respectée et respectable, mais pourvu d'un fond machiavélique. Ainsi, allons-nous suivre Arthur Fleck dans ses mésaventures, lui qui, dès qu'il sort de son cocon familial, se retrouve confronté à la jungle du monde moderne, ce système capitaliste dont les traits sont exacerbés voir au jusqu'au boutisme et dénoncés avec force- un peu trop d'ailleurs- finissent par donner raison à cette victime de la société qui broie ses hommes à l'existence terne et plate. Une caricature manichéenne, certes, mais qui marche cependant comme savent bien le faire les bons cinéastes américains. Todds Phillips ne déroge pas à la règle en nous invitant à suivre pas à pas le processus de transformation de cet homme grimé qui devient monstre comme on pourrait suivre le cheminement psychologique d'un terroriste. Cette lisière entre raison et folie ou ce qui vous pousse à franchir les limites. Lisière entre raison et folie Cette case qui manque est ainsi analysée avec vigueur. Quoi de mieux qu'un regard expressif dans un visage calfeutré de peinture pour atteindre le fond des choses….l'âme de cet être qui va se métamorphoser petit à petit en un monstre, eu égard aux situations tragiques qu'il sera amené à connaître : se faire agresser soit par des enfants ou par des hommes en costard, riches dans le métro. Notre clown sera amené à se défendre instinctivement après qu'on lui a offert un flingue. Mis à rude à preuve, Arthur Fleck, qui n'aspire qu'à mener une vie paisible en fantasmant sur la voisine d'à côté, est toujours pris en aparté par les autres. L'enfer n'est-il pas les autres, dirait Sartre ? Ajouté à cela une dose de mystère sur son enfance. Est il un enfant adopté ou pas ? Sa mère est-elle aussi atteinte psychologiquement, ce qui la pousserait à délirer et inventer une histoire avec un certain Thomas Wayne à qui elle écrit des lettres désespérément pour qu'il vienne la sauver de sa misère ? Rappelons que les trois hommes qu'Arthur va tuer de sang-froid dans le métro sont des employés de Wayne Enterprises. L'enfance, mère des traumatismes En somme, de Thomas Wayne, candidat à la mairie de Gotham City, qui prend de haut sa population, ce même homme dont Penny, la mère d'Arthur prétend qu'il est son géniteur, sans pouvoir prouver la paternité. En effet, ce dernier lui aurait fait signer, dans sa jeunesse, dans un papier, une clause de confidentialité. Mieux ! Il aurait falsifié des papiers d'hôpital en faisant croire que cette femme menteuse est folle, qu'elle frapperait même son fils adoptif ! Un scénario on le disait déjà un peu farfelu et tissé de fil blanc. Mais ceci est un film de divertissement donc passons ! Autre spécialité américaine, bien celle-là, est lorsque le film joue avec nos nerfs en soufflant tantôt le froid, tantôt le chaud avec ce personnage campé par Robert De Niro qui interprète le rôle de Murray Franklin, un animateur de télévision arrogant qui va à la fois encenser Arthur pour mieux se moquer de lui après… Et pour boucler la boucle, on ne peut parler de Joker sans évoquer Batman. Le film en fera un joli clin d'œil. Mais pour en savoir plus, il vous suffira d'aller le voir en salles où il est projeté en DCP aux salles Ibn Zeydoun et Ibn Khaldoun, à raison de plusieurs séances par jour. Samedi dernier où nous nous sommes rendus à la séance de 20h (Ibn Zeydoun), une belle file d'attente attestant du succès du film, a été enregistrée. Un beau présage pour ce film distribué en Algérie grâce à la boite Md Ciné. Fort de son Lion de Venise, Joker est bien parti pour briquer un Oscar, ne serait-ce que celui du meilleur acteur ! Avec des plans à couper le souffle, rehaussé d'une musique rétro qui rappelle le bon cinéma de l'époque, le film de Todd Philips évoque ce bon vieux temps des Comics tout en faisant un pied de nez à toutes les histoires que l'on aurait vues jusqu'à présent sur ce personnage. Un Oscar en vue ? Ce film marque l'esprit car il distille à la fois une bonne dose de méchanceté gratuite, mais adoubée à de la poésie. Assurément ! Un cocktail de rencontres qui s'entrechoquent et des émotions troubles qui cohabitent parfaitement ; de l'agonie, mais de la vie avant tout, sans vouloir en faire un héros à tout prix, on se prend d'empathie pour cette victime filmée avec amour et de bien près par le réalisateur. Joker crève l'écran. C'est le cas de le dire. Souvenez-vous des gestes bien délicats de cet homme dont les bras virevoltent en douceur comme un oiseau avant de se déployer vers un rythme autre. Noir. Un regard cauchemardesque. Cet espace /temps qui vous prend à tirer et puis de poignarder. D'abord pour survivre et puis de se venger. L'instant ultime du basculement… Ce doux élixir du bien et du mal enchevêtré qui nous compose somme toute tous au fond… Voilà pourquoi ce film résonne tant en nous. Le paradoxe de notre humanité...