Il était une fois un super héros algérien, Nightrunner… C'est un de trop, hurlent les intellectuels américains conservateurs. Pour eux, il est impossible que Batman recrute un musulman pour combattre le crime à Paris. La blogosphère est en émoi. La chauve-souris s'est entichée d'un Kabyle qui court dans la nuit, tel un oiseau libre. Le héros qui met son slip par-dessus son costume doit combattre le crime à Paris. Batman choisit Nightrunner comme complice. Bruce Wayne recrute donc Bilal Asselah, un jeune homme de 22 ans, originaire de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, d'où sont parties les émeutes des banlieues qui ont enflammé la France en novembre 2005. Il est arrêté par erreur par la police et passé à tabac au cours de ces affrontements. Grâce à l'influence de sa mère, une pieuse musulmane, il rejette tout sentiment de haine, et, dissimulé sous le masque et le costume noir de Nightrunner, devient un super héros, déterminé à faire triompher la justice. Nightrunner est né. Dans deux revues éditées par DC Comics et parues en décembre, le héros au masque de chauve-souris décide de choisir des super héros afin de l'aider à combattre le crime dans les principales villes du monde. Allant plus loin qu'un ministre français qui trouvait que «quand il y en a un ça va…», les blogueurs conservateurs américains s'étranglent de haine et d'indignation. «Le Batman français est un immigré musulman. Son nom est Bilal Asselah, et c'est un musulman sunnite algérien, un immigré en excellente forme physique, adepte du parkour (discipline de gymnastique et escalade urbaine, ndlr)», diagnostique le blogueur américain, l'écrivain Warner Todd Huston, sur son site Publius Forum. Avant d'ajouter, très remonté : «Apparemment, Batman n'a pas pu trouver un vrai Français pour être le ‘‘sauveur français''», écartant de sa définition de «vrais Français» les millions de Français d'origine nord-africaine. Et, enfin, de livrer une analyse digne de Fox News : «Au moment où de jeunes musulmans terrorisent la France, alors que le terrorisme musulman agresse le monde entier, les lecteurs de Batman sont plongés dans la confusion», dénonce Warner Todd Huston. De la haine, de la colère, du mépris. Le blog d'Angry White Dude (le mec blanc en colère, porte-t-il la cagoule du KKK ?) raille l'éditeur en suggérant de «donner à Nightrunner le musulman d'étranges nouveaux pouvoirs, comme celui d'enterrer les femmes jusqu'à la taille et d'écraser leur tête à coups de roches». Le dessinateur de Comics Bosch Fawstin joue, lui aussi, dans la finesse version cochon : «Si vous êtes aussi malades et fatigués de ces islam-âneries, guettez la sortie de mon prochain album, L'Infidèle, mettant en scène Pigman (l'homme cochon), un ancien super héros musulman devenu le cauchemar des jihadistes.» L'auteur du comics, associant Batman et Nightrunner, le Britannique David Hine confie qu'il avait «tenté de créer le héros que je voudrais voir dans une bande dessinée si j'étais Français». Il balaie la polémique : «Les problèmes en banlieue et avec les minorités ethniques dominent l'actualité française sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy et il était pour moi inévitable de faire de mon héros un Français d'origine algérienne.» Cette mini-tempête agitant la sphère des blogueurs américains - où les sites de gauche ou musulmans attaquent les conservateurs pour leur hostilité à l'idée d'un super héros musulman - n'a jusqu'à présent guère suscité d'échos dans l'internet francophone. Les albums concernés, en anglais, sont en vente en France depuis le mois de décembre. Le petit nombre d'exemplaires disponibles a vite été écoulé. Il faut attendre la version française.