Le parti travailliste britannique fait régulièrement l'objet de critiques pour son « inaction » face à l'antisémitisme, qui ont resurgi en pleine campagne pour les élections du 12 décembre avec une charge violente du grand rabbin du Royaume-Uni. Quelques mois après l'élection à la tête du Labour du très à gauche Jeremy Corbyn, militant pro-palestinien, des premières accusations de complaisance à l'égard de l'antisémitisme émergent. En avril 2016, le Labour suspend la députée Naz Shah pour avoir posté des commentaires sur Israël jugés antisémites sur les réseaux sociaux. Dans un premier temps, Jeremy Corbyn l'avait seulement réprimandée. Quelques jours plus tard, l'ancien maire de Londres (2000-2008) Ken Livingstone fait scandale en déclarant qu'Adolf Hitler «soutenait le sionisme». En juillet 2018, l'organe dirigeant du Labour adopte une définition partielle de l'antisémitisme élaborée par l'Alliance internationale pour le souvenir de l'Holocauste (IHRA), craignant que l'adoption de la définition complète ne limite la liberté de critiquer l'Etat d'Israël. Pointé du doigt, le parti l'a finalement complétée deux mois plus tard. Jeremy Corbyn a aussi été personnellement pris à partie pour avoir déclaré que les sionistes britanniques ne comprenaient pas «l'ironie anglaise» et pour avoir défendu un graffiti contenant des symboles antisémites. Trois journaux juifs britanniques, le Jewish Chronicle, le Jewish News et le Jewish Telegraph, l'ont accusé de poser «une menace existentielle» à la communauté juive. Plusieurs députés du parti ont claqué la porte, dont les parlementaires juives Luciana Berger et Louise Ellman. Mme Berger, désormais candidate du Parti libéral-démocrate, a jugé le Labour «institutionnellement antisémite». Louise Ellman, qui a démissionné le mois dernier, a estimé que «sous Jeremy Corbyn, l'antisémitisme est devenu le courant dominant au sein du Labour». Sous le feu des critiques, Jeremy Corbyn a dû admettre, en août 2018, que le parti connaissait un «réel problème» d'antisémitisme. Mis en cause, mardi dernier, par le grand rabbin des états-Unis, Ephraim Mirvis, Jeremy Corbyn a refusé de s'excuser et rappelé que son parti avait lancé des enquêtes internes sur les signalements de propos antisémites de certains de ses membres sur les réseaux sociaux. à l'extérieur du parti, la Commission de l'égalité et des droits humains a aussi lancé une enquête. La police a arrêté plusieurs personnes ces derniers mois après avoir reçu un dossier interne du parti travailliste compilant 45 affaires dont des messages sur les réseaux sociaux. Au début du XXe siècle, l'antisémitisme était plus souvent associé à la droite et au mouvement fasciste britannique. Actuellement, «deux questions politiques amènent les gens au sein du Labour, en particulier à la gauche du Labour, à parler des juifs: l'une est Israël et la Palestine et l'autre la critique populiste de gauche des élites corrompues», expliquait en mars dernier David Feldman, directeur de l'Institut Pears pour l'étude de l'antisémitisme. La vague d'adhésions qui a suivi l'arrivée de Jeremy Corbyn a par ailleurs transformé le Labour, devenu un parti de masse avec un demi-million de membres. Or «c'est très difficile pour les hauts responsables du parti d'exercer un contrôle à l'ère des réseaux sociaux», a soulevé David Feldman.