En invitant les islamistes palestiniens à venir à Moscou, le président russe ouvre une brèche dans l'ostracisme occidental envers ce mouvement de libération. L'invite faite par le président russe, Vladimir Poutine, aux dirigeants du Hamas palestinien à venir discuter avec lui à Moscou a induit une levée de boucliers en Israël, notamment, qui a très mal pris qu'un Etat souverain, la Russie, puisse avoir des rapports avec un mouvement, au seul fait que l'Occident l'a qualifié de «terroriste». Washington, de même que l'Union européenne, qui considèrent le Hamas comme un mouvement «terroriste» ont demandé pour leur part des «explications» à Moscou. Ainsi, le président américain George W.Bush a réaffirmé jeudi la nécessité que le Hamas «reconnaisse le droit d'Israël à l'existence, renonce à la violence et dépose les armes». Or, Israël n'a toujours pas reconnu le droit des Palestiniens à ériger un Etat palestinien indépendant sur les territoires occupés en 1967 (Ghaza, la Cisjordanie et Jérusalem (est) sans que cela dérange, outre mesure, Américains et Européens. Aussi, pour la Russie, qui n'adhère pas à la position maximaliste défendue par l'Occident, sa logique est sans faille: le mouvement islamiste palestinien est arrivé au pouvoir régulièrement «après des élections démocratiques et légitimes» et appelle à «respecter le choix du peuple palestinien». C'est lors de sa visite à Madrid, mercredi dernier, que Vladimir Poutine avait annoncé qu'il allait «inviter prochainement les dirigeants du Hamas à Moscou» pour rechercher une issue au conflit israélo-palestinien. Hamas a aussitôt salué cette initiative. «Lorsqu'une invitation nous sera adressée officiellement nous l'accepterons par souci de renforcer nos relations avec l'Occident et notamment avec le gouvernement russe», a déclaré le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri. Si le Hamas est satisfait de cette invite, Washington en revanche veut avoir des éclaircissements de Moscou quant à sa démarche envers le mouvement islamiste palestinien. Ainsi, le porte-parole du Département d'Etat rappelait en l'occurrence que la Russie est membre du Quartette, lequel a appelé la semaine dernière le Hamas à reconnaître le «droit à l'existence» d'Israël. Le même Quartette qui ne demanda à aucun moment à Israël de reconnaître aux Palestiniens le droit d'ériger leur Etat indépendant. Aussi, les pressions sont ainsi à sens unique et dirigées contre les seuls Palestiniens, et la seule vérité est celle distillée par l'Occident. Les Israéliens qui ont réagi violemment perdent le sens de la mesure allant jusqu'à mettre sur un pied d'égalité un problème interne à la Russie, certes douloureux, celui de la Tchétchénie, et l'occupation des territoires palestiniens. «Quand des Tchétchènes commettent un attentat à Moscou, la Russie considère qu'il s'agit d'un acte terroriste, mais ce n'est plus le cas quand cela se produit à Jérusalem», a ainsi déclaré un haut responsable israélien sous couvert de l'anonymat. Un parallèle qui n'a pas de sens et faisant peu cas de la réalité, Israël occupe des territoires que l'ONU et la communauté internationale homologuent comme étant palestiniens alors que la Tchétchénie est membre de la Fédération de Russie, et la guerre qui s'y déroule constitue un problème intérieur russe qui n'a aucun rapport ou similitude avec ce qui prévaut dans les territoires palestiniens occupés. Prenant à contre-pied la position dure développée par l'Occident envers Hamas, le président Poutine, dans une de ses dernières interventions estimait en effet que l'idée envisagée par l'UE de suspendre l'aide aux Palestiniens était «une grande erreur». «Lorsque nous parlons des causes et des racines du terrorisme, nous nous référons à l'injustice sociale, à la misère et au chômage. Si nous cessons d'aider les simples citoyens palestiniens, allons-nous éradiquer le terrorisme et la criminalité? Bien sûr que non», avait-il alors souligné. Aussi, pour Moscou il était plus politique d'amener le Hamas à la modération en le traitant en parti responsable plutôt que de le diaboliser comme le fait l'Occident. Ce qu'expliquait hier le vice-Premier ministre russe Sergueï Ivanov qui a justifié hier l'invitation faite par la Russie aux dirigeants du Hamas de venir à Moscou, estimant que «tôt ou tard» la communauté internationale devait établir des contacts avec le parti islamiste. «Il faudra que des contacts s'établissent», a déclaré M.Ivanov, en marge d'une réunion avec les ministres de la Défense de l'Otan à Taormina, en Sicile (Italie). «Je me risquerais à prédire que, tôt ou tard, un certain nombre de pays dont les quatre du Quartette (sur le Proche-Orient qui regroupe les Etats-Unis, l'UE, l'ONU et la Russie) vont être favorables à des contacts avec le Hamas», a-t-il ajouté. M.Ivanov a par ailleurs indiqué que «le Hamas est arrivé au pouvoir (...) suite à des élections tout à fait démocratiques», tout en soulignant que la Russie, comme le reste de la communauté internationale, n'était «pas satisfaite par les principes préconisés par le Hamas». Dans une réaction officielle, Paris a estimé que l'initiative russe d'inviter les responsables du Hamas «peut contribuer à faire avancer nos positions» au sein du Quartette, a indiqué hier le ministère français des Affaires étrangères. «C'est une initiative qui a été prise sans concertation avec les partenaires (du Quartette), mais pour autant que nous restions dans le cadre des objectifs et des principes que nous nous sommes fixés, nous estimons que c'est une initiative qui peut contribuer à faire avancer nos positions», a déclaré le porte-parole adjoint du ministère, Denis Simonneau. «Nous partageons avec la Russie l'objectif d'amener le Hamas vers des positions qui permettent d'atteindre l'objectif de deux Etats vivant en paix et en sécurité», a souligné le porte-parole. Ce qui est en fait le but avoué à maintes reprises par le président américain George W. Bush de la coexistence de deux Etats: la Palestine et Israël.