Le président palestinien Mahmoud Abbas a achevé hier une visite de trois jours en Russie où devrait arriver celui qui fait figure d'adversaire. Il s'agit du chef du mouvement Hamas Khaled Mechaal qui a assuré que Moscou venait d'inviter une délégation de son mouvement. « Le Hamas a reçu une invitation officielle du gouvernement russe pour se rendre bientôt à Moscou. Les contacts entre le Hamas et le gouvernement russe se poursuivent », affirme un haut responsable du mouvement. Khalil Al Hayya précise que la date exacte de la visite n'a pas encore été fixée, mais qu'elle se déroulera au cours des « prochains jours ». « La délégation sera emmenée par le chef du bureau politique, Khaled Mechaal », poursuit M. Hayya, dont le mouvement contrôle la bande de Ghaza depuis son coup de force de la mi-juin. Mardi, rappelle t-on, et alors même que Abou Mazen poursuivait son voyage, un haut responsable russe a évoqué de tels contacts. Il a ajouté qu'il fallait maintenir ces contacts avec le Hamas « dans un but pratique, pragmatique, afin de trouver un moyen d'agir sur eux, directement ou indirectement et d'établir le dialogue entre les Palestiniens ». A la différence de Washington, de l'Union européenne et d'Israël, Moscou ne qualifie pas le Hamas d'organisation terroriste et a choisi de dialoguer avec le mouvement islamiste qu'elle considère comme un interlocuteur à part entière. Il reste que la Russie a apporté mardi son soutien ferme au président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, et indiqué qu'elle prenait ses distances avec le mouvement islamiste. Recevant le président de l'Autorité palestinienne au Kremlin pour sa première visite en Russie depuis la prise de contrôle de la bande de Ghaza par le Hamas, le président russe Vladimir Poutine a signifié l'importance qu'il accordait à M. Abbas. « Je veux vous assurer que nous allons vous soutenir en tant que dirigeant légitime du peuple palestinien. Nous sommes certains que vous ferez tout pour rétablir l'unité », a déclaré M. Poutine. De son côté, M. Abbas a assuré qu'il travaillait « toujours à obtenir l'unité du peuple » palestinien afin d'atteindre l'objectif « d'un Etat indépendant ». En venant à Moscou, le leader palestinien entendait obtenir le soutien de la Russie dans le bras de fer engagé avec le mouvement islamiste depuis le 15 juin. Un enjeu de taille compte tenu des contacts privilégiés que la diplomatie russe entretient depuis longtemps avec le mouvement islamiste. Un autre responsable russe a expliqué que la Russie avait vu d'un mauvais œil la politique menée en juin à Ghaza par le Hamas et qu'elle avait décidé de rappeler qui était le véritable leader palestinien. Auparavant, Moscou mettait au même plan Mahmoud Abbas et le chef du Hamas en exil. Mais après la prise de pouvoir sur la bande de Ghaza, la Russie a décidé de donner la prépondérance au président de l'Autorité palestinienne tout en continuant à dialoguer avec le mouvement islamiste. La veille, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait appelé M. Abbas (également chef du Fatah) au « dialogue » avec le Hamas. Le ministre russe des Affaires étrangères, qui s'est encore entretenu jeudi dernier avec M. Mechaal, avait « insisté sur la nécessité de rétablir l'unité palestinienne par un dialogue entre toutes les forces politiques », faisant référence aux tensions entre le Fatah et le Hamas. Après sa rencontre au Kremlin, le président de l'Autorité palestinienne a maintenu sa ligne de conduite, déclarant qu'il ne dialoguerait avec le Hamas que si le mouvement islamiste rendait le pouvoir à Ghaza et présentait des excuses pour « ses crimes ». « La normalisation passe avant tout par le retour à la situation qui prévalait avant le coup d'Etat », a dit M. Abbas. « Le Hamas doit reconnaître sa culpabilité et présenter des excuses pour les crimes qu'il a commis », a-t-il ajouté. Mi-juin, le dirigeant palestinien a limogé le gouvernement dominé par le Hamas, décrété l'état d'urgence et mis en place un cabinet d'urgence. Il s'apprête à convoquer des élections présidentielles et législatives anticipées. « Les élections doivent se dérouler au plus vite, mais les conditions (de leur organisation) doivent être telles qu'elles puissent être organisées dans le secteur de Ghaza et en Cisjordanie », a dit M. Abbas. Reste maintenant à connaître la réponse du Hamas, et au regard du discours qu'il tient actuellement, il est difficile de croire qu'il se soumettra aux conditions fixées par le président Abbas.