A l'invitation du président russe, une délégation du mouvement palestinien aura demain des discussions avec des responsables russes. Pragmatique, la Russie en invitant le Hamas à Moscou essaie de dédramatiser l'accession du mouvement islamiste palestinien à la gestion des affaires de l'Autorité palestinienne, montrant ainsi -à un Occident alarmé par l'arrivée du Hamas au pouvoir- que le mouvement islamiste palestinien est parfaitement capable de mesurer le poids de ses responsabilités et l'impact que des manoeuvres hasardeuses peuvent avoir sur la stabilité de la région du Proche-Orient. En fait, Israël et l'Occident focalisent trop sur le Hamas, -qui défend logiquement une position tactique- faisant oublier les soubassements du conflit israélo-palestinien : l'occupation des territoires palestiniens par Israël qui ne reconnaît pas le droit aux Palestiniens de créer leur Etat indépendant sur les territoires occupés lors de la guerre de juin 1967 que le gouvernement israélien s'est attelé à morceler à l'extrême. Il est patent que le dialogue de sourds subsistera tant que le problème reste mal posé, l'Occident se souciant du seul confort d'Israël, sans s‘inquiéter outre mesure du sort des Palestiniens. On n'a jamais entendu l'Occident exiger d'Israël de se retirer des territoires palestiniens conformément aux nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. De fait, avant d'aller à Moscou à la tête de la délégation du Hamas, Khaled Mechaal, chef du bureau politique du mouvement islamiste a encore réitéré que pour progresser vers un règlement au Proche-Orient, il est nécessaire «non pas de réclamer au Hamas la reconnaissance (d'Israël), mais de réclamer à Israël de quitter les territoires palestiniens occupés». A juste raison M.Mechaal fait observer que «l'ancienne direction palestinienne avait reconnu Israël. Et alors? Quel est le résultat? Est-ce que quelque chose a changé? (...) Cela serait une erreur d'insister sur le fait que le problème est dans la reconnaissance (d'Israël) par le Hamas». De fait, une fois la reconnaissance d'Israël par le Conseil national palestinien (CNP, Parlement en exil) obtenue, Israël a tout fait pour que les choses en restent là, gelant entre autres le processus de paix initié par les accords d'Oslo. Sur sa visite à Moscou, Khaled Mechaal indique, «La visite a pour objectif de commencer un dialogue, de faire connaître nos positions les uns aux au tres (...) Nous voulons informer Moscou de la nouvelle situation en Palestine après notre victoire convaincante aux législatives, de la création d'un nouveau gouvernement» et d'ajouter «L'objectif est de mener des consultations et d'échanger nos points de vue. Il n'y aura aucune pression. Et personne n'impose aucune condition» M.Mechaal a émis, par ailleurs, le voeu de rencontrer le président russe en déclarant au quotidien russe Vremia Novosteï -qui l'interrogeait sur la possibilité d'une telle audience- «Nous aimerions beaucoup rencontrer le président Poutine. (...) Je ne l'exclus pas», a-t-il dit. Commentant la venue du Hamas à Moscou, le représentant russe pour le Proche-Orient, Alexandre Kalouguine, a indiqué que la Russie allait encourager le Hamas à la «modération» lors de la rencontre qu'auront, demain et samedi, des responsables russes avec les dirigeants du Hamas. M.Kalouguine a déclaré à ce propos, cité par l'agence russe Interfax «Tout le monde dit au Hamas qu'il doit adopter une voie plus modérée (...) Nous allons nous prononcer pour un tel changement lors de notre rencontre» «Nous allons encourager une avancée des positions, en accord avec le Quartette des médiateurs internationaux (USA, Russie, UE et ONU)», a noté Alexandre Kalouguine qui souligne que ce sera-là un «signal au Hamas» précisant « nous demandons qu'il respecte les accords antérieurs pour qu'il n'y ait plus d'actes terroristes». M.Kalouguine a d'autre part indiqué qu'il n'était pas exclu que le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, reçoive la délégation palestinienne du Hamas. En invitant -à partir de Madrid où il se trouvait en visite d'Etat en février dernier- le Hamas à venir à Moscou, le président Poutine avait quelque peu déstabilisé l'Occident qui, dès la confirmation de la victoire du Hamas aux législatives palestiniennes, avait tout mis en oeuvre pour isoler, au plan international, le mouvement islamiste palestinien. Aussi, Israël a-t-il protesté vigoureusement contre cette invitation, certains responsables israéliens allant jusqu'à évoquer une éventuelle remise en cause des relations d'Israël avec la Russie. Or, diaboliser le Hamas, comme le font Israël et l'Occident, ne sert nullement la paix, car ces positions extrêmes, tout en contestant le choix souverain du peuple palestinien, confortent quelque part les durs du mouvement islamiste quand il fallait encourager les pragmatiques du Hamas, dans la perspective de véritables négociations avec les hommes représentatifs du peuple palestinien. En focalisant sur la seule sécurité de l'Etat hébreu, l'Occident perd ainsi de vue le point nodal du conflit israélo-palestinien qui est d'abord un problème de décolonisation et d'application, par Israël, des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU que l'Etat hébreu refuse d'appliquer.