La dynamique créée par l'élection présidentielle du 12 décembre dernier a donné ses premiers effets avec la visite du président turc, Recep Tayyip Erdogan. Il n'est pas seulement question du «punch» diplomatique de l'Algérie qui a évité à la région une guerre destructrice, mais d'aspects économiques concrets. Le président Erdogan n'a pas attendu de «nouveaux textes» ou une amélioration de l'indice Algérie du Doing Business pour annoncer la couleur. «Nous ne considérons pas l'Algérie comme un marché pour écouler nos produits, mais nous aspirons aussi à la réalisation d'importants investissements», a clairement énoncé le chef de l'Etat turc, avant-hier au forum d'affaires algéro-turc. Le ton est donc donné et cette visite a ouvert d'intéressantes perspectives pour l'Algérie qui pourra s'adosser sur la plus dynamique économie de la région Mena, membre à part entière du G20 et appelé à jouer un rôle majeur dans le développement du continent africain. Le tête-à-tête entre les présidents algérien et turc a marqué le début d'une nouvelle ère dans les relations de l'Algérie avec le reste du monde. Recep Tayyip Erdogan nous aura, en effet, appris, qu'il est très possible de lancer de grands projets tournés vers l'export, de les mener à terme et d'en faire le fer de lance d'une vision totalement orientée vers la diversification de l'économie. Le président turc, qui aime citer les deux projets-phares de la Turquie en Algérie, que sont les huit usines du complexe textile de Relizane et l'immense installation sidérurgique de Bethioua, n'a pas manqué d'y faire référence, avant-hier et il l'a fait à dessein. Il faut chercher longtemps pour trouver des investissements de dimensions universelles en Algérie. C'est bien la preuve que les Turcs ne sont pas animés que par l'appât du gain facile et du commerce. Que l'Algérie ne soit pas un simple marché pour les produits turcs, on pourrait effectivement le croire, lorsque Erdogan fait cette affirmation. Mais il faut dire aussi que dans l'ardeur dont il fait montre pour pousser le partenariat à des niveaux stratégiques, le président du pays qui fut «la Porte sublime», réfléchit en homme d'Etat qui a de grandes ambitions pour son pays. Et présentement, c'est l'Afrique qui l'anime et il se trouve que l'Algérie en est la porte. Arriver en premier en Algérie, c'est se garantir une place de choix dans la course à la croissance dans le dernier continent gorgé de ressources. C'est dire que Erdogan n'est pas philanthrope, mais un homme très averti avec des ambitions géostratégiques pleinement assumées. D'ailleurs, lors de ses visites en Algérie et celle d'avant-hier l'a confirmé, le président turc ne s'en cache pas et étale les ambitions de son pays. Celles-ci ne sont pas, à proprement parler, démesurées puisque ce pays, qui repose sur un passé impérial, semble avoir de qui tenir. Il reste que ce président qui a la particularité d'être «hyper actif» ne semble pas regarder l'Algérie comme une proie ou un outil de sa politique, mais comme un véritable partenaire avec qui, il donne l'impression de vouloir faire un bon bout de chemin. Il y a, bien entendu, la religion commune, qui peut inspirer, mais également la taille, le respect qu'impose l'Algérie, quels que soient les circonstances et l'énorme potentiel humain et diplomatique d'un pays qui n'est pas destiné à être un simple relais de puissance, mais une puissance en devenir. Cela Recep Tayyip Erdogan semble l'avoir compris et agit donc en conséquence. L'épisode algérois d'Erdogan restera encore dans les esprits et se fera régulièrement rappeler au souvenir des officiels et opérateurs économiques algériens. Mais ce n'est, en définitif qu'un épisode. La Russie, la Chine, l'Union européenne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, nourrissent les mêmes ambitions de trouver des relais de leur croissance en Afrique. Tous ces partenaires attendaient, eux aussi, que l'Algérie sorte de son passage difficile. Ils ont conscience que la route la plus sûre pour l'Afrique passe par l'Algérie. C'est dire que les choses sérieuses ne tarderont pas à commencer. La question est de savoir comment l'Exécutif, les hommes d'affaires et la société dans son ensemble sauront tirer profit d'un état de fait, désormais admis, mais dont on n'arrive pas, en Algérie, à en concrétiser les projets.