Rachid Mimouni nous a quittés prématurément suite à une banale maladie engendrée par l'exil forcé auquel il avait été contraint après des menaces de mort proférées à son encontre au début des années 90. Il n'était âgé que de 50 ans lorsqu'il a quitté ce monde au moment où il avait atteint une reconnaissance littéraire unanime, suite notamment à la publication de ses plus grands romans: «L'honneur de la tribu», «Le fleuve détourné» et «Tombeza». Rachid Mimouni aurait encore pu enrichir la littérature algérienne d'expression française, mais le destin en a décidé autrement. Malgré le fait que sa carrière d'écrivain a été écourtée par la mort, Rachid Mimouni reste l'un des meilleurs écrivains algériens, voire maghrébins d'expression française, de l'avis des critiques littéraires d'ici et d'ailleurs. La sortie de son premier roman, «Le fleuve détourné», en 1982, en France, avait été saluée à l'unanimité par la critique et la presse spécialisée qui avait intercepté la naissance d'un autre grand écrivain algérien qui a apporté sa propre touche littéraire aussi bien sur le plan du style que des thèmes et de la manière dont ces derniers étaient traités et appréhendés. Ses autres romans recevront le même accueil. Ce qui caractérise les romans de Rachid Mimouni, à l'instar de «l'honneur de la tribu», mais aussi du «Fleuve détourné» ou encore d'«Une paix à vivre» ou son recueil de nouvelles «La ceinture de l'ogresse», c'est l'univers totalement kafkaïen qu'il dépeint. Ses personnages sont truculents alors que son style est tout simplement envoûtant malgré les quelques difficultés que pourrait rencontrer un lecteur novice en abordant les romans de Rachid Mimouni. Mais c'est cette complexité qui fait le charme, la beauté et l'originalité des romans de notre auteur, qui donne envie au lecteur de les revisiter une deuxième fois, leur lecture achevée. Des qualités littéraires ayant valu plusieurs Prix littéraires à l'auteur du «printemps n'en sera que plus beau» comme le Prix de l'amitié franco-arabe, le Prix de la nouvelle de l'Académie française pour son recueil de nouvelles déroutant «La ceinture de l'ogresse» ou encore le prix Albert Camus pour «Une peine à vivre». Dans ses grands romans, Rachid Mimouni a réussi à scruter sa société à travers des localités complètement dépourvues matériellement et des personnages dont certains font montre d'une naïveté déconcertante alors que dans d'autres cas, il s'agit plutôt de montrer la vérité crue de certains hommes cruels qui sont à la quête aveugle du pouvoir. Rachid Mimouni réussit donc à parler de thèmes politiques tout en ne tombant pas dans le piège de s'écarter du style romanesque pour se retrouver malgré lui dans celui de l'essai comme on pourrait le déplorer dans pas mal de romans d'écrivains algériens ayant tenté de s'adonner à cet exercice difficile. En lisant les livres de ces derniers, le lecteur se demande alors à chaque fois s'il s'agit d'un roman ou d'un essai, ce qui est loin d'être le cas dans les textes de Rachid Mimouni qui sont des romans aboutis à tous points de vue. La guerre d'indépendance nationale et ses lendemains sont aussi au centre de l'oeuvre de Rachid Mimouni comme le montre d'ailleurs le titre de son roman phare «Le fleuve détourné». La prouesse de Rachid Mimouni réside aussi dans sa description minutieuse des hameaux algériens reculés et de leurs habitants qui se retrouvent subitement arrachés à leur solitude par l'assaut des premiers signes de modernité. Commence alors un véritable bras de fer entre le monde ancien dans lequel ils vivaient paisiblement, appuyés tranquillement sur leurs coutumes et traditions, et le monde moderne et surtout inconnu, voire incertain, qui les attend. Rachid Mimouni a abordé avec subtilité et finesse des thèmes ayant marqué l'histoire de notre pays comme l'intégrisme, la bureaucratie, la dictature, la révolution, l'amour et même la sexualité. Son oeuvre romanesque est plus que jamais d'actualité.