Au quinzième jour du Ramadhan 2020, le ton est donné. Le mois sacré de cette année est radicalement différent de ses précédents, Covid-19 oblige. Un Ramadhan sous confinement est «sans saveur», pour ne pas dire «triste». Et pour cause, plus qu'un rituel religieux important, c'est aussi et surtout l'un des événements les plus festifs de l'année. Et ce n'est pas sans nostalgie que beaucoup de citoyens repensent à tous les Ramadhan passés, en particulier celui de l'année précédente. En effet, l'année 2019 a offert aux Algériens un millésime bien singulier. Brisant la disette politique et la monotonie d'une vie urbaine ou rurale sans relief, les Algériens ont retrouvé durant l'année 2019 et particulièrement durant le Ramadhan une réelle intensité à la vie publique. Les vendredis et les mardis étaient largement consacrés aux manifestations et ce, à travers l'ensemble du territoire nationals, sans oublier les traditionnels Iftar collectifs, qui ont été organisés que ce soit dans la capitale ou dans des villes de l'intérieur ou au sud du pays. En plus des spectacles et autres événements culturels, les habitants des grandes villes ont aussi eu droit à d'autres activités d'ordre politique, telles que les débats citoyens, organisés par des collectifs d'artistes, ou alors des militants associatifs. Il est clair que le Ramadhan 2019 est aux antipodes de celui de 2020. Pour certains, la période «bénie» du Hirak aura été un beau réservoir de souvenirs, aujourd'hui tapis aux fins fonds d'une mémoire collective qui, délibérément, pour échapper à la mort dans sa version Covid-19, a choisi de ne pas vivre son Ramadhan. «Le mode de vie du mois de Ramadhan a largement aidé les Algériens, non seulement à panser leurs peines des années 90, mais aussi, à pouvoir reconstruire une nation, avec des projets mais surtout de cohabiter sans crainte», explique à ce propos Meriem professionnelle de l'événementiel. Et d'ajouter: «Cette tradition de vie nocturne et de joie a été lancée dès que la sécurité a regagné le pays. Les grandes villes et petit à petit même les villages et les régions les plus enclavées s'y sont mis avec leurs propres moyens». D'ailleurs pour la jeune femme, la plus grande «expérience» des entreprises spécialisées a été acquise au fil des Ramadhan, estimant que «le confinement est plus dur durant ce mois sacré, puisque les Algériens attendaient l'avènement du mois sacré pour vivre en société. C'est durant ce mois que sont dévoilées les nouvelles séries TV, les nouveaux lieux où il faut être vu. Pis encore, même les magasins offrent des promotions sans précédent, nous sommes conditionnés depuis des années à sortir de la routine pour prendre d'assaut l'espace public et il est difficile de s'y maintenir et garder le moral au beau fixe». Cela dit, il est vrai que les Algériens vivent mal le confinement en ce moment, même si le civisme, dans la plupart des cas, prend le dessus. Comme l'affirme Azzedine, commerçant à Tizi Ouzou, «il est vraiment difficile parfois de maintenir l'ordre et la distanciation sociale, mais je dois avouer que les citoyens, entre nous, ne laissent pas les dépassements et font preuve de beaucoup d'intelligence collective».