Outre la crise libyenne, l'Egypte est confronté à l'épineux dossier du barrage de la Renaissance que l'Ethiopie a construit et dont elle envisage l'entrée en service à la fin de l'année en cours. Entamé en 2012, cet édifice est devenu un enjeu stratégique régional tel que le Conseil de sécurité de l'ONU doit lui consacrer lundi une réunion, demandée par les Etats-Unis qui relaient une requête de l'Egypte. Le Caire se plaint, en effet, de la fin de non-recevoir formulée par le Premier ministre Ahmed Abiy et le gouvernement éthiopien pour des négociations effectives entre les trois pays concernés, le Soudan étant également impacté par la question. Parlant d' «impasse», le président Abdelfattah al Sissi cherche à poser le problème dans le cadre d'une médiation internationale, chose que Addis Abeba refuse catégoriquement, parce qu'elle estime que ce serait là «un déni injustifié des progrès» accomplis au cours des discussions menées, ces derniers mois, sous l'égide des Etats-Unis et de la Banque mondiale. Ahmed Abiy a fait monter la pression en avril dernier, quand il a déclaré qu' «aucune force ne peut empêcher l'Ethiopie de construire le barrage», allant jusqu'à dire que son pays pourrait «riposter à des missiles» et recourir «à des bombes». Des «insinuations inacceptables» a, aussitôt, rétorqué Le Caire. C'est cette situation singulière qui met dans un face-à-face inédit le pays où siège l'Union africaine, depuis la création de son ancêtre l'OUA, et le pays arabe le plus peuplé dont la survie dépend grandement des eaux nourricières du fleuve mémoriel. L'argument de l'Ethiopie est justifié quand Abiy affirme qu'«un quart de la population est pauvre et jeune» et que le barrage de la Renaissance permettrait de «mobiliser des millions», en faveur d'un développement accéléré du pays. Cela étant, Addis Abeba ne ferme pas totalement la porte à des «négociations» à condition qu'elles ne démarrent pas avec une mise en cause du remplissage du barrage à la fin de l'année, condition que l'Ethiopie rejette catégoriquement. Le Nil est le plus long fleuve du monde et sert d'artère vitale en Afrique de l'Est pour les 10 pays qu'il traverse. Le Nil Bleu prend sa source dans les monts d'Ethiopie avant de rejoindre le Nil Blanc, à Khartoum, au Soudan et de déverser ses eaux jusqu'en mer Méditerranée. Avec l'objet du litige, l'Ethiopie compte détenir la plus grande centrale hydroélectrique d'Afrique (GERD), produisant 6.000 mégawatts, et elle a déjà annoncé que le gigantesque édifice de 4,5 milliards de dollars fournira de l'électricité fin 2020 avant d'être totalement opérationnel en 2022. Revendiquant un droit historique sur le fleuve, berceau des pharaons, et dont l'Egypte antique a consacré la formule selon laquelle elle est «un don du Nil», Le Caire réclame un débit annuel minimal de 40 milliard de m3 que l'Ethiopie conteste, farouchement. Quant au Soudan, il tente, stoïquement, de trouver une place dans le bras de fer qui oppose l'un et l'autre de ses partenaires dans cette crise, sachant qu'en l'absence d'une solution négociée, les trois pays vont, tout droit, vers une tragédie, porteuse de conséquences graves pour leurs peuples et pour l'Union africaine, elle-même, étonnamment absente dans cette affaire.