L'idée d'un regroupement partisan dédié à soutenir une démarche réformiste de l'Etat est sortie d'une existence purement théorique à travers l'audience qu'a accordée avant-hier soir le président de la République à une délégation conduite par le président du parti El Fadjr El Djadid, Tahar Benbaibeche, qui en est également le porte-parole. À l'origine de cette entrevue avec le chef de l'Etat, des assises organisées par un groupe de leaders politiques et associatifs qui ont donné naissance aux Forces nationales de la réforme. La mission que se sont donnée les initiateurs de ce collectif a pour seule ambition d'être une force de proposition et d'accompagnement d'une politique de réformes. Reçus par le président de la République, le groupe acquiert donc une «respectabilité» au plan politique et peut d'ores et déjà s'imaginer un pôle de proposition dans la perspective d'une rentrée politique où l'on parlera certainement de nouvelle Constitution, nouveau Code électoral, élections législatives et locales anticipées. La délégation des Forces nationales de la réforme ne montre pas une identité idéologique distincte, mais l'on peut y voir, au regard de sa composante, une sorte d'alliance nationalo-islamiste. La présence du mouvement El Bina parmi les formations composant le conglomérat politique et associatif ne saurait tromper les observateurs. Ces derniers notent l'engagement du Front El Moustakbel et concluent donc à cette alliance, habillés de pas mal d'associations de la société civile, dont l'obédience nationaliste n'est plus à démontrer. L'initiative qui semble être, malgré un discours strictement axé sur un soutien aux réformes, une entité politique avec un programme et une identité propre, gagne visiblement en confiance après le «quitus» de la présidence de la République. Il faut dire, au passage, qu'étant le président de tous les Algériens, Tebboune serait sorti de son rôle, s'il avait accordé une fin de non- recevoir à la demande d'audience. Autant dire que l'entretien ne l'engage en rien et Tahar Benbaibeche, qui s'est exprimé au nom de la délégation, l'a bien compris. Il reste que le président de El Fadjr El Djadid tire une note positive de l'entretien dans une déclaration à la presse «Le président Tebboune a adressé ses remerciements à tous ceux qui ont participé à ce travail et il est prêt à écouter toutes les propositions soumises», a fait savoir Benbaibeche. Il y voit un encouragement à poursuivre le travail et ne manque pas de souligner que «le président de la République était favorable à de telles initiatives». Le point marqué, les Forces nationales de la réforme peuvent se targuer de se placer en relais efficace de la scène politique et associative, et désormais nourrir quelques ambitions, d'autant que l'audience que leur a accordée Tebboune a été «couronnée de succès», aux dires de Benbaïbeche. Elle vient donner du sens à la conférence tenue le 11 août dernier, qui a acté la naissance des Forces nationales de la réforme. Et comme pour signifier l'utilité de l'initiative, «une plateforme contenant quatre projets concernant le volet sanitaire, la situation socio-économique et la Constitution» a été soumise au chef de l'Etat, révèle le porte-parole de la délégation. «Le débat avec le président Tebboune était ouvert, franc et large ayant touché tous les dossiers», a assuré Benbaïbeche, sans manquer de souligner que «tous les initiateurs du Collectif ont eu l'opportunité de faire connaître leur point de vue et de soumettre des propositions jugées adéquates durant cette conjoncture exceptionnelle». On ne saura rien sur les points de vue, mais l'on peut aisément deviner, au regard des appartenances idéologiques des uns et des autres, l'absence d'une perspective moderniste, bâtie sur une volonté d'émancipation de l'ensemble de la société. Ce message, porté par les forces dites «républicaines» est totalement absent de la scène nationale et il risque d'être évacué lors des débats et autres initiatives censés faire émerger la nouvelle République. L'oppositionisme acharné des «républicains»leur fait rater une belle occasion de faire entendre la voix d'une bonne partie de la société, en la recalant dans une vision étriquée de la République. Le président de la République qui dit encourager de telles initiatives, pourrait très bien recevoir une délégation porteuse d'un discours véritablement moderniste et compléter ainsi la mosaïque idéologique du pays.