Le gouvernement soudanais et des chefs rebelles ont signé hier à Juba un accord de paix historique, qui doit mettre fin à 17 ans d'une guerre meurtrière. Des représentants du gouvernement de transition soudanais et de mouvements rebelles, ainsi que des diplomates tchadiens, qataris, égyptiens, de l'Union africaine et des Nations unies, ont participé à la cérémonie dans la capitale du Soudan du Sud voisin. «Nous avons conclu aujourd'hui un accord de paix. Nous sommes heureux. Nous avons accompli notre mission», a déclaré peu avant la signature le Sud-Soudanais Tutkew Gatluak, un des médiateurs. Les autorités de Khartoum, un pouvoir hybride de militaires et de civils en place après une révolte populaire ayant mis fin en avril 2019 à 30 ans de dictature d'Omar el-Béchir, ont fait de la paix avec les rebelles leur priorité. Sous le régime Béchir, les rebelles issus de minorités ethniques s'estimaient marginalisés dans un pays confronté à une grave crise économique, ayant été notamment amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud. L'accord est composé de huit protocoles: propriété foncière, justice transitionnelle, réparations et compensations, développement du secteur nomade et pastoral, partage des richesses, partage du pouvoir et retour des réfugiés et déplacés. Il stipule également le démantèlement à terme des groupes armés et l'intégration des combattants dans l'armée, qui devra être représentative de toutes les composantes de la société. Le texte a été paraphé le 31 août, mais la signature se fait en grande pompe en présence de chefs d'Etat africains, dont l'hôte sud-soudanais Salva Kiir, et de représentants de l'Egypte, du Qatar et de l'Arabie saoudite. «Cette signature va vraiment nous permettre de laisser la guerre derrière nous. Elle va apporter la démocratie, la justice, la liberté au Soudan. Nous sommes très heureux. C'est la fin de la guerre et l'économie du Soudan va repartir de l'avant», a confié Ismail Jalab, un responsable du principal groupe rebelle du Darfour, le Mouvement de libération du Soudan (SLM). La cérémonie se déroule à Juba, la capitale du Soudan du sud, pays dont les dirigeants ont combattu durant environ trois décennies ceux de Khartoum avant d'obtenir leur indépendance en 2011 au terme d'une guerre qui a fait deux millions de morts et quatre millions de déplacés. Aujourd'hui, leurs rapports sont apaisés et même amicaux. La délégation soudanaise était conduite par le général Abdel Fattah al-Burhane, président du Conseil souverain, le vice-président Mohamed Hamdan Daglo et le Premier ministre Abdallah Hamdok. Ce dernier a espéré que la paix permettra «le développement, le progrès et la prospérité», dans un communiqué publié hier. «Le processus de paix fait face à des défis que nous devons surmonter à travers une action commune», a-t-il ajouté. Côté insurgé, l'accord a été signé par le Front Révolutionnaire du Soudan (FRS), une alliance de cinq groupes rebelles et quatre mouvements politiques, issus des régions du Darfour (ouest), du Kordofan-Sud (sud) et du Nil Bleu (sud) et cherchant à développer leurs régions sinistrées. La situation économique au Soudan est catastrophique, avec une inflation annuelle de 170% au mois d'août, à laquelle s'ajoutent des pénuries de carburant, de nourriture, de médicaments et de produits d'hygiène. Les prix des aliments ont triplé en un an, selon l'ONU. La guerre au Darfour, après son début en 2003, a fait au cours des premières années au moins 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés selon l'ONU. Dans les deux autres régions, la guerre a affecté un million de personnes. Le Mouvement de Libération du Soudan (MLS), branche d'Abdelwahid Nour, au Darfour, a refusé de signer. L'armée l'accuse d'avoir encore lancé une attaque contre ses positions, lundi dernier. Un autre groupe, le SPLA-Nord d'Abdelaziz al-Hilu a signé un cessez-le-feu séparé, qui permet aux rebelles de conserver leurs armes «pour assurer leur propre protection», jusqu'à ce que la Constitution soudanaise soit amendée pour y garantir la séparation de l'Etat et de la religion. Le Kordofan-sud et dans une moindre mesure le Nil bleu comportent des minorités chrétiennes qui ont combattu pendant des décennies les tentatives de Khartoum d'imposer la loi islamique.