Arrivé ce mercredi et reçu par le président de la République le lendemain, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a planté le décor d'une coopération entre son pays et l'Algérie, qu'il veut solide. «Pour la France, l'Algérie est un partenaire de premier plan en raison des liens humains multiples qui nous unissent par-delà la Méditerranée», a affirmé le ministre, qui n'a pas manqué de souligner la richesse d'une relation «riche et multiple, notamment en matière d'échanges humains, éducatifs, scientifiques, la coopération économique et les enjeux sécuritaires ainsi que les questions régionales». Résumant assez bien ce qui lie les deux pays, Le Drian affirme mettre cette troisième visite en Algérie en moins d'un an, à l'actif d'une volonté de concrétiser sur le terrain «un nouvel élan», qui prend forme, à force de détermination montré, par les présidents Tebboune et Macron. Côté français, le ministre des Affaires étrangères a souligné la mise en oeuvre par Emmanuel Macron, dès 2017, d'«une démarche de lucidité sur l'Histoire de la colonisation et de la Guerre d'Algérie». Cela s'est effectivement traduit «par des actes forts, comme la remise récente à l'Algérie des restes mortuaires des combattants algériens conservés au Musée de l'Homme». Cet acte et autres déclarations qui ont déplu à une minorité d'extrémistes français n'ont pas empêché Macron de persévérer et demander à l'historien Benjamin Stora de travailler sur la mémoire de la colonisation et de la Guerre d'Algérie dans un «esprit de vérité et de réconciliation pour que nos deux pays regardent ensemble vers l'avenir», note le chef de la diplomatie française qui au même titre que Macron, défend nécessaire que les deux peuples portent «un regard lucide et apaisé sur leur passé». Une démarche qualifiée d' «indispensable», par Le Drian. Cela sur les questions mémorielles. Sur une actualité française qui a fait grincer des dents dans quelques capitales de pays musulmans, Le Drian annonce avoir fait part au président Tebboune des «propositions» du président Macron «pour faire face au séparatisme sur le territoire français». Il a tenu, à ce propos, à réitérer le refus de l'amalgame entre l'islam et l'idéologie de l'islamisme radical. «Il s'agit d'une préoccupation que nous partageons avec les autorités algériennes», a-t-il dit. Abordant le processus politique actuel en Algérie, le ministre français a mis en avant la «pleine souveraineté de l'Algérie» et souligné en référence au prochain référendum constitutionnel du 1er novembre prochain, qu'«il appartient aux Algériens et à eux seuls de traduire les aspirations qui se sont exprimées avec civisme et dignité en une vision politique avec des institutions aptes à la concrétiser». Au plan de la coopération économique, Le Drian ne s'est pas trop étalé sur la question, se contentant de phrases-bateau, mais affichant néanmoins un soutien clair aux réformes initiées par le président Tebboune afin de «diversifier l'économie algérienne, d'assouplir les procédures et d'accompagner les entreprises innovantes». Concernant la situation dans la sous-région qui voit la France très impliquée au Mali comme en Libye, le ministre français n'a pas manqué de voir en l'Algérie une «puissance d'équilibre qui privilégie le règlement politique des conflits dans un cadre multilatéral». Ce qui la rend incontournable dans les deux conflits qui secouent l'Afrique du Nord et le Sahel. Plus précis, Le Drian a relevé sur la crise libyenne que «la France considère, comme l'Algérie, qu'il n'y a pas de solution militaire et soutient le dialogue politique entre toutes les parties libyennes sous l'égide des Nations unies». Un processus qui a, jusque-là, des difficultés à s'enclencher sérieusement. Mais à bien entendre le ministre français, «le rôle des pays voisins, en particulier l'Algérie, est essentiel». Considérant, à juste titre, que ces pays «sont les premiers concernés par les risques que fait poser cette crise», Le Drian estime qu'ils «peuvent jouer un rôle stabilisateur auprès des acteurs libyens, à l'inverse des ingérences des puissances extérieures». Une posture qui renforce le discours d'Alger et apporte un surplus d'argument en faveur d'une solution inclusive à la crise en Libye. L'autre dossier chaud de la région, à savoir la situation au Mali, Le Drian a indiqué que «la France a salué, comme l'Algérie, la mise en place d'une transition, laquelle doit conduire vers des élections ouvertes, libres et transparentes et au rétablissement de l'ordre constitutionnel». Une convergence de vues soulignée par le chef de la diplomatie française, d'autant que l'axe central de la solution dans ce pays existe déjà. Il suffirait d'aller vers «l'application de l'Accord de paix d'Alger», a soutenu le ministre français qui, dans la foulée, affirme que «l'Algérie a une voix qui compte en Afrique et en Méditerranée».