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Vérité sur les caricatures de la discorde
Manifestation et colère contre Emmanuel Macron
Publié dans L'Expression le 23 - 11 - 2020

Lorsque le président Macron, en rendant hommage à Samuel Paty, a soutenu la liberté d'expression, le nombre de messages l'insultant et le menaçant de mort venant de la part des musulmans du monde entier a été ahurissant. Pour eux, le fait que Macron n'ait pas sanctionné Charlie Hebdo ni interdit les caricatures représentant le prophète de l'islam signifiait qu'il s'attaquait ouvertement à l'islam et aux musulmans. Même ceux qui n'étaient pas violents ont affirmé ne pas comprendre la position de Macron dans cette affaire de caricatures. Autant de réactions négatives à l'égard de Macron mon-trent que le problème concerne la relation que les musulmans entretiennent avec la religion, mais aussi avec la loi et la conception de l'Etat de droit même si les deux sont intimement liées. Pourtant Macron n'a fait qu'accomplir son rôle de président. «Le président de la République veille au respect de la Constitution» précise l'article 5 de la Constitution française. Quant à la liberté d'expression, sujet de la discorde, elle est stipulée dans l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, un pilier de l'histoire de la France.
L'attachement solennel du peuple français à cette Déclaration est également mentionné dans la Constitution.
Cependant, les musulmans, qui ont manifesté contre Macron, ne comprennent pas sa décision. Ils ne conçoivent pas le terme «loi» tel qu'il est conçu en Occident et ignorent totalement le sens d'un Etat de droit où le président ne fait pas ce qu'il veut, mais est soumis, lui aussi, à la loi. Ils ne savent pas que la Constitution c'est la loi suprême de l'Etat, et un Etat qui ne respecte pas la loi ne peut pas exiger de son peuple de la respecter. Dans les pays musulmans, il n'est pas rare que ceux qui détiennent le pouvoir prennent des décisions non conformes à la loi et l'idée du peuple qui doit l'obéissance à ses dirigeants est très présente dans les esprits. Il est également très habituel qu'au sein de la Constitution on trouve des articles qui sont en conflit les uns avec les autres et que des lois qui sont en contradiction avec la Constitution soient validées. Avec la montée du conservatisme, de plus en plus, brandir l'argument de Dieu, du prophète ou de la religion suffit pour que la loi n'ait plus aucun sens.
Pourtant, ces pays ont entamé entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle une modernisation de leur système politique. Ils ont adopté des concepts empruntés à l'Occident comme la Constitution, la démocratie et la République pour moderniser l'institution de l'Etat et la fonction politique. Ces réformes étaient portées par des intellectuels et des politiciens qui étaient fascinés par les valeurs occidentales et notamment par celles de la Révolutionfrançaise.
Le projet de modernisation de l'institution de l'Etat, et par la même de la société, a été avorté par les conservateurs et, notamment par la Confrérie des Frères musulmans créée en 1928 en Egypte.
L'histoire de l'islam et des sociétés musulmanes est marquée par le courant conservateur. Basé au départ à Médine, première capitale de l'Etat islamique, il a fini par s'imposer en Irak vers le XIIe siècle et ensuite partout dans le monde musulman. Son objectif était de ramener les musulmans à l'islam des premiers musulmans et au modèle de société bâti par le prophète à Médine. C'est le Médinois, fondateur de l'école juridique le malékisme, Malek ibn Anés (VIIIe siècle), qui a déclaré Médine comme modèle de société pour tous les musulmans. Pour lui, rien ne doit changer dans le domaine de l'organisation sociale et politique et le législateur ne peut se référer à sa propre pensée pour concevoir des lois juridiques qu'en dernier recours avec la condition qu'il reste cohérent avec les règles de l'islam. C'est pour ces mêmes idées et pour les mêmes objectifs que les conservateurs et les islamistes se sont opposés au projet de modernisation des sociétés musulmanes au début du XXe siècle. Avec de telles idées, l'Occident et ses nouvelles valeurs sont vus comme le mal en lui-même d'autant plus qu'ils fascinent les populations musulmanes. La Confrérie des Frères musulmans a fait de la diabolisation de l'Occident son arme dans la lutte contre la modernisation et pour la réislamisation des musulmans. Une littérature islamique abondante le présentant comme le monde de la dépravation est par conséquent celui qui menace l'islam et les sociétés musulmanes a marqué des générations entières de musulmans.
Les principes les plus critiqués étaient ceux de la liberté et de l'égalité inscrits dans la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le discours religieux ne pardonne pas à la France d'avoir permis à ces valeurs de faire le tour du monde et d'avoir inspiré Atatürk qui a aboli le califat et a séparé la politique de la religion. À partir des années 1980, les sociétés à majorité musulmane ont été marquées par un retour au traditionalisme dont l'institution de l'Etat n'a pas été épargnée.
La religion n'a cessé de s'introduire dans la gestion des affaires de la cité. Aujourd'hui, dans tous les pays musulmans le projet de construction d'un Etat moderne a régressé et le concept lui-même a perdu son sens.
Les conservateurs qui veillent à ce que les musulmans ne s'éloignent pas du modèle de société des premiers musulmans ont encore réussi.
La réalité des sociétés musulmanes d'aujourd'hui montre qu'elles sont loin d'être celles du VIIe siècle. Cependant, les conservateurs imposent des règles remontant à cette époque, ce qui provoque beaucoup de traumatismes psychologiques et sociaux. Toutes les réalisations dans le domaine politique et social du XXe siècle sont remises en cause. L'histoire du monde musulman est faite de soubresauts d'évolution, de ripostes des conservateurs et de retours en arrière. Ce qui se passe aujourd'hui en Occident, et particulièrement en France où un nombre important de musulmans vivent, veut s'inscrire dans la suite de cette histoire. Les attentats, les manifestations contre les caricatures et les charges contre Macron ne sont que des moyens de lutte.
Les dessins de Charlie n'en sont pas la cause. Les pays musulmans ont connu les mêmes attaques contre la modernisation de l'Etat et de la société et des milliers de personnes y ont été massacrées par les islamistes alors qu'elles n'ont pas dessiné le prophète ni montré à leurs élèves des dessins le représentant.
Les caricatures «du prophète», elles ne le sont que parce que Charlie a dit qu'il s'agissait du prophète
Quant aux caricatures dites «du prophète», elles ne le sont que parce que Charlie a dit qu'il s'agissait du prophète. Sans cette précision de la part de Charlie, on peut les regarder autant qu'on veut, personne n'y verra le prophète de l'islam.
Dans tout dessin ou photo, ce qui nous permet de dire qu'il s'agit de telle ou telle personne c'est l'image que nous avons de cette personne dans notre esprit. C'est elle qui nous permet de faire le lien entre le dessin ou la photo et la personne. Sans cette image, le lien d'existe pas et le dessin n'est rien d'autre qu'un dessin. Or, nul n'a dans son esprit une image du prophète. Celui-ci est très peu représenté dans l'histoire de l'art islamique et selon le discours religieux personne ne peut lui ressembler.
D'autre part, supposant qu'il s'agisse réellement d'une représentation du prophète et admettant que les musulmans y voient une atteinte, le verset 196 de la sourate 7, les Murailles: «Mon protecteur (walii) est Dieu» précise que c'est Dieu qui protège son prophète étant donné que Walii signifie mon allié, mon protecteur selon les commentateurs, tel qu'al Kortobi et al-Tabari. Dans ce cas, les musulmans n'ont pas à le faire à la place de Dieu.
Le verset 67 de la sourate5, la Table servie, affirme-lui aussi en s'adressant au prophète: «Et Dieu te protégera des gens». Je ne souligne pas ces deux versets pour nier l'existence d'autres, tel le numéro 81 de la sourate 3, la famille d'Imaran, qui dit: «Vous devez croire en lui et vous devez lui porter secours», mais seulement pour montrer que, pour les musulmans, se comporter autrement est possible.
Un autre verset qui mérite d'être rappelé est celui qui dit: «Ô les croyants! Vous êtes responsables de vous-mêmes! Celui qui s'égare ne vous nuira point si vous, vous avez pris la bonne voie» (105, sourate 5, la Table servie).
Ce verset, recommandant clairement à chaque musulman de s'occuper avant tout de ses propres affaires, ne devrait-il pas être utilisé par les responsables religieux pour appeler au respect de la liberté d'expression? Certes, il y a d'autres versets qui incitent à la violence. Cependant, s'il s'agit d'un choix, pourquoi les musulmans ne choisissent-ils pas les versets qui leur permettraient de vivre en accord avec les valeurs de la modernité et en bonne harmonie avec les autres? Même si cela nécessite de les réinterpréter à l'aune des nouvelles valeurs. Si les leaders religieux qui incitent à la violence pensaient aux musulmans d'Occident et à la paix dans le monde, ils utiliseraient les versets qui leur permettent de le faire.
* Philosophe et islamologue et autrice de plusieurs ouvrages. Elle est membre du Conseil d'orientation de la Fondation de l'Islam de France, membre du conseil scientifique du Centre civique d'étude du fait religieux (Ccefr), membre du groupe d'analyse de JFC Conseil et Présidente fondatrice des Journées internationales de philosophie d'Alger.


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