De plus en plus d'officiers supérieurs de l'armée américaine demandent au secrétaire à la Défense de partir. La grogne des militaires américains anti-Rumsfeld monte crescendo amenant le président George W.Bush à monter, vendredi, au créneau assurant son secrétaire à la Défense de sa confiance. Certes! Mais le problème semble ailleurs, plusieurs officiers militaires reprochent à Donald Rumsfeld son «incompétence» et son «arrogance» et d'avoir engagé les Etats-Unis dans une guerre qui n'avait pas lieu d'être. Dans un éditorial daté de vendredi, le Washington Post résumant ce sentiment général -qui prend de l'ampleur parmi les militaires américains- estimait qu'il n'y avait pas de doute que les six généraux à la retraite -qui réclamaient la démission de M.Rumsfeld- «expriment le point de vue de centaines d'autres officiers toujours dans l'armée». «Rumsfeld devrait démissionner parce que l'administration Bush est en train de perdre la guerre sur le front intérieur», affirme ainsi l'éditorialiste du quotidien de la capitale américaine qui ajoute: «Beaucoup d'Américains ont tout simplement arrêté de croire les arguments de l'administration sur l'Irak et Rumsfeld est un symbole de ce déficit de crédibilité.» Cela n'a pas empêché le président Bush de défendre son homme de confiance en affirmant, dans un communiqué publié vendredi, que «la conduite énergique et décidée des affaires par le secrétaire Rumsfeld est exactement ce dont nous avons besoin dans cette période cruciale. Il a mon entier soutien et ma plus profonde reconnaissance». M.Bush réitéra son soutien à Donald Rumsfeld, lors d'une conférence de presse donnée samedi aux côtés de son secrétaire à la Défense, assurant: «Ce pays est servi de manière exceptionnelle par l'homme qui est à ma gauche», parlant de l'homme mis en cause par des officiers de l'armée américaine. Mais cela semble peu convaincant et insuffisant pour dédouaner un politique auquel ses critiques font porter la responsabilité des échecs répétés de l'administration Bush ces dernières années et notamment la manière avec laquelle il engagea le pays dans une guerre qui n'était pas la sienne. Parmi les critiques de Donald Rumsfeld figure le général Wesley Clark ancien commandant en chef des forces de l'Otan en Europe. Déjà en 2004 à l'époque du scandale des prisonniers d'Abou Ghraieb -la sinistre prison de Baghdad- des voix se sont élevées pour réclamer le départ de Donald Rumsfeld. De fait, le ministre de la Défense américain, outre la confiance des Américains, semble avoir perdu sa crédibilité auprès des officiers supérieurs de l'armée, ce qui est plus grave pour un homme censé coordonner le système de défense américain. A propos de coordination, le général Baptiste, qui aurait refusé récemment une promotion, réfute toute planification entre les officiers supérieurs qui expriment un sentiment qui se généralise parmi les militaires américains. Dans une déclaration à la chaîne américaine NBC, le général Baptiste a assuré: «Je n'ai rien à gagner à faire cela. Il n'y a pas du tout de motivation politique». Selon lui, «il s'agit absolument d'une coïncidence» si plusieurs généraux expriment en même temps cette insatisfaction envers Donald Rumsfeld. Se fondant sur les propos du général Baptiste, le Washington Post estime que la réaction de celui-ci a d'autant plus de crédit que le général Baptiste a refusé une promotion car ne voulant plus servir sous les directives de M.Rumsfeld. Un expert américain en matière de défense, Loren Thompson du Lexington Institute, estime que les déclarations des généraux à la retraite ne sont que «la partie émergée de l'iceberg» et le sentiment anti-Rumsfeld est très répandu au sein de l'armée, car nombreux sont les officiers lui reprochant sa manière de conduire les affaires de l'armée et de la défense. L'un parmi les premiers généraux à s'exprimer publiquement sur cette affaire a été le général Paul Eaton, chargé en 2003 et 2004 de la formation de l'armée irakienne, lequel a affirmé dans une tribune publiée par le New York Time -à l'occasion du troisième anniversaire de l'invasion de l'Irak le 20 mars dernier- que «M.Rumsfeld doit se retirer» estimant que le secrétaire (américain) à la Défense était «incompétent sur les plans stratégique, opérationnel et tactique» et d'être «plus que quiconque» responsable des difficultés américaines en Irak. L'intéressé a encore réaffirmé, vendredi, dans une interview à la chaîne satellitaire Al-Arabiya qu'il n'avait aucune intention de se retirer indiquant: «J'entends servir le président à son gré» et d'affirmer: «Si, parmi des milliers et des milliers d'amiraux et de généraux (...), à chaque fois que deux ou trois personnes n'étaient pas d'accord, nous changions le secrétaire à la Défense des Etats-Unis, ce serait comme un tourbillon». Certes! Toutefois, face à la grogne qui se généralise parmi les militaires, et malgré le soutien renouvelé du président américain, Donald Rumsfeld risque, à la longue, de devenir un goulot d'étranglement pour l'administration Bush, et faire le choix, sans doute douloureux, qui s'imposera à lui.