C'est une des pages les plus douloureuses de leur histoire commune que réouvriront demain l'Algérie et la Tunisie. Elle se fera dans des conditions particulières cette année : celles d'une crise sanitaire, économique, financière qui aura ébranlé le monde, mais pas la solidarité et les liens fraternels exceptionnels qui les caractérisent. Une caravane médicale composée de moyens de lutte contre la Covid-19 à destination de la ville de Sakiet Sidi Youcef en Tunisie, s'est ébranlée, hier, à partir d'Alger en présence du secrétaire général du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abdelhak Saihi, et de l'ambassadeur tunisien en Algérie, Ramdhane Al-Fayedh, et ce dans le cadre de la commémoration du 63e anniversaire des massacres de Sakiet Sidi Youssef. Cette opération, qui concerne un don de 11 tonnes en médicaments et moyens de lutte contre la pandémie de Covid-19 (des masques trois plis, masques FFP2, des blouses, des sur-blouses, du gel hydro-alcoolique) au profit de la ville de Sakiet Sidi Youssef, a été décidée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Par ce geste de solidarité, l'Algérie exprime sa volonté de «rester toujours fidèle au peuple tunisien frère», a indiqué le SG du ministère de la Santé. Ce qui s'est passé, il y a 63 ans à Sakiet Sidi Youssef, «quoique douloureux, fait perdurer un sentiment commun entre les Algériens et les Tunisiens», a déclaré, de son côté, l'ambassadeur tunisien. C'est dans cette ambiance que les deux pays commémoreront l'agression sauvage de l'aviation française qui a ciblé ce paisible village tunisien durant la guerre de Libération nationale. Un pan d'une mémoire collective entre les deux peuples, algérien et tunisien, témoin de la lutte des peuples maghrébins contre le colonialisme. Retour sur la genèse de ces massacres. Entre juillet 1957 et janvier 1958, l'Armée de Libération nationale a mené 84 opérations sur la frontière algéro-tunisienne. Un harcèlement que l'armée française a cru pouvoir enrayer en bombardant le village de Sakiet Sidi Youssef. Le 8 février 1958, l'armée coloniale a indiqué qu'un avion, touché par une mitrailleuse postée à Sakiet Sidi Youssef, a dû se poser en catastrophe à Tébessa. Un prétexte pour mener, le jour même, des raids sauvages et meurtriers sur ce paisible village. Un marché où se pressaient des paysans de la région a été mitraillé par une escadrille de chasseurs volant en rase-mottes. 26 chasseurs-bombardiers Corsair entrent en action tuant 79 personnes dont 20 enfants, des réfugiés algériens regroupés par une mission de la Croix-Rouge, 11 femmes, blessant 130 autres et rasant des infrastructures. Le bombardement a aussi détruit quatre camions de la Croix-Rouge suisse et du Croissant-Rouge tunisien chargés de vêtements qui allaient être distribués, selon des sources historiques convergentes. Un événement qui a scellé une solidarité séculaire entre les peuples tunisien et algérien que l'armée coloniale française leur a fait sauvagement payer, dans leur chair. L'Algérie et la Tunisie ce ne sont pas que deux pays qui ont une frontière commune. En plus d'un fonds linguistique, d'une culture, leurs deux peuples ont en partage une aire géographique qui a pour particularité de s'affirmer, au fil du temps, comme le berceau de l'humanité. C'est sur ce socle que reposent, désormais, les liens indéfectibles qui les unissent et qu'aucune attaque ne peut fissurer. En témoignent les graves accusations portées tout récemment par l'ex-président tunisien, Moncef Merzouki qui a accusé l'Algérie d'avoir été «hostile» à la révolution tunisienne qui a mis fin au règne de son prédécesseur, Zine El-Abidine Ben Ali. La réaction de l'Etat tunisien a été cinglante. «Ces déclarations n'entameront, en rien, les relations tuniso-algériennes, exceptionnelles qui ne cessent d'enregistrer un développement remarquable, grâce à la volonté sincère des dirigeants des deux pays...», a aussitôt répliqué le ministre tunisien des Affaires étrangères Othman Jerandi. Les liens algéro-tunisiens sont une ligne rouge...